Le pavillon Strathcona, qui héberge le département de géographie de l'Université de Montréal, est en si piètre état que des classes ont été condamnées il y a quelques jours pour insalubrité.

À la suite de nombreuses infiltrations d'eau, les moisissures ont fini par faire leur nid. La situation a atteint un degré tel qu'il était impossible d'y donner des cours.

Deux salles de classe ont donc été fermées, le temps de permettre à une société spécialisée de les nettoyer de fond en comble et de faire disparaître toute trace de moisissures, du moins temporairement.

Car c'est l'édifice en entier qui est vétuste. Dans un rapport remis à la direction de l'Université de Montréal, que La Presse a obtenu, le corps professoral dénonce la situation.

«La qualité de l'air est souvent insalubre, peut-on lire dans le document. Les mesures les plus récentes (avril 2011) dans nos salles de classe du rez-de-chaussée indiquent des concentrations de spores d'Aspergillus (2020/m3 d'air) qui correspondent au double du seuil pouvant amener des problèmes de santé respiratoire.»

Ce n'est pas la première fois que la situation est décriée. En 2002, des travaux d'urgence ont été réalisés dans des cages d'escalier de l'édifice en raison de la présence de cette même bactérie.

Le pavillon Strathcona a été construit au tournant des années 1900. Il s'agit en fait d'une vieille école primaire qui est louée par l'Université de Montréal à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.

Le département de géographie a été aménagé dans ce pavillon du chemin de la Côte-Sainte-Catherine, loin du campus, de façon temporaire dans les années 80.

Il devrait éventuellement être déménagé dans le nouveau pavillon des sciences, mais il faudra encore plusieurs années avant qu'il ne voie le jour.

Ras-le-bol

En attendant, le personnel et les enseignants en ont ras le bol. «L'état actuel du bâtiment est délabré, malpropre et inacceptable comme milieu de travail», dénonce le rapport remis à la direction de l'université.

De fait, une visite des lieux permet de constater la vétusté des lieux. Tant les salles de classe que les escaliers et les couloirs sont en mauvais état.

La peinture se détache par gros morceaux au plafond. «Toute la vieille peinture a été grattée et le plafond a été repeint il y a seulement trois ans, mais ça tombe encore par gros morceaux. Probablement que le local est trop humide», indique Richard Fiorini, qui s'occupe de l'entretien du pavillon.

La direction de l'Université de Montréal est au courant de la situation. Des représentants sont même venus constater l'ampleur des dégâts au cours de l'été, ajoute-t-il.

Le rez-de-chaussée est l'étage le plus délabré. Des tuiles de céramique sont arrachées. Des coulisses noires courent le long des murs. Dans les toilettes, une odeur nauséabonde et perpétuelle monte des tuyaux couverts de corrosion. Jadis blanc, le fond des lavabos et des cuvettes a pris une couleur jaune foncé.

Les casiers sont rouillés. Les néons diffusent une lumière verdâtre. Les planchers sont si usés qu'il est impossible d'en laver les taches.

Lors de notre passage, deux étudiants travaillaient dans le laboratoire de granulométrie, un local sans fenêtre, sale et poussiéreux. On distingue clairement des trous et des boursouflures dans les murs.

«Ce n'est vraiment pas agréable comme milieu de vie. On paie néanmoins les mêmes droits de scolarité que tout le monde», reconnaît une étudiante, Sophie-Eve Despaties.

Surpeuplé et surchauffé

Lorsque deux salles de classe ont été condamnées pour insalubrité, professeurs et étudiants ont dû se serrer encore davantage. «On s'est retrouvés environ 45 dans un local qui pouvait contenir 30 personnes. On a dû scinder le groupe en deux», ajoute l'étudiante de deuxième année.

Le système de chauffage est lui aussi désuet. L'hiver, les étudiants s'assoient le long des fenêtres pour profiter des courants d'air parce que la température grimpe trop.

«Il fait trop chaud, ce n'est pas propice à la réflexion», explique Simon Jalbert, également étudiant de deuxième année.

Aux étages supérieurs, du matériel est entreposé dans les couloirs. De gros bureaux et des lampes bloquent l'accès aux casiers, faute de place ailleurs.

Fatigués de leurs conditions, le personnel, les professeurs et les étudiants se sont d'ailleurs réunis hier pour discuter des moyens à mettre en place pour corriger la situation.

«Dès que la Direction des immeubles a été avisée des problèmes, le printemps dernier, nous avons demandé des correctifs au propriétaire de l'édifice. Certains ont été apportés. D'autres sont à venir. Une étude commandée à un expert externe a toutefois déterminé qu'aucun risque pour la santé n'est présent dans l'air actuellement», a pour sa part indiqué la direction de l'Université de Montréal, hier.

Du côté de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, propriétaire de l'édifice, on prend aussi la situation au sérieux. «On nous a signalé une infiltration d'eau au niveau du stationnement et que des locaux pouvaient être insalubres en raison de cette infiltration», explique le porte-parole de la commission scolaire, Jean-Michel Nahas. Des travaux de réfection seront entrepris au cours des prochains jours pour y remédier.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse