Plus du tiers des petits anglophones québécois étudient en français dans une école anglaise. Tout comme 23% des petits anglophones du Nouveau-Brunswick. Mais dans les écoles francophones du Québec, seulement 10% des élèves suivent un programme d'anglais intensif.

«Normalement, en immersion, toutes les matières sont données dans la langue seconde pendant un ou deux ans», explique Fred Genesee, un professeur de psychologie de l'Université McGill qui étudie la question depuis 20 ans. «À cause de la loi, dans les écoles francophones au Québec, on peut seulement enseigner l'anglais en anglais. Alors, l'immersion doit être limitée à quelques mois d'anglais intensif, pendant lesquels on n'enseigne pas les autres matières.»

L'immersion en français stagne au Canada anglais. Au Manitoba, en Ontario et au Québec, la proportion des élèves anglophones qui en font, respectivement de 10,9%, 7,4% et 35,6%, n'a pratiquement pas changé depuis 2000, selon les chiffres de l'association Canadian Parents for French. Dans les Maritimes, surtout au Nouveau-Brunswick, il y a eu une légère augmentation. Le cas de cette province est intéressant pour le Québec à cause de l'importance de la population francophone et de l'influence économique du Québec, qui rend le français plus attrayant pour les anglophones.

Est-ce à dire qu'il y a une limite à ne pas dépasser pour l'enseignement intensif d'une langue seconde? «Tous les élèves peuvent le faire, mais il faut suffisamment de ressources, de professeurs», explique Peeter Mehisto, un didacticien estonien qui a publié à Londres plusieurs ouvrages sur l'enseignement des langues secondes en Europe. «En Europe, il a fallu plusieurs années aux pays où presque tout le monde est bilingue pour modifier leur système d'éducation. Aux Pays-Bas, par exemple, le programme d'anglais intensif, qui est similaire à l'immersion au Canada, date de 1990. Mais ailleurs, par exemple en Espagne, c'est plus récent et seulement quelques régions ont une majorité d'élèves en apprentissage intensif d'une langue seconde.»

Dans les écoles anglophones du Québec, les enfants ayant des troubles d'apprentissage qui se retrouvent en immersion n'ont pas plus de problèmes, selon Fred Genesee. «Leurs notes ne s'améliorent pas, mais ne baissent pas.»

Pourquoi l'immersion plafonne-t-elle au tiers des élèves anglophones québécois? «Beaucoup de parents anglophones envoient leurs enfants dans le système francophone, carrément. En fait, dans nos études, il devient extrêmement difficile de trouver des enfants anglophones unilingues, même à la garderie.» Le tiers des élèves anglophones du Québec est en immersion française dans une année donnée, mais à la suite du secondaire, 70% des anglophones auront été en immersion à un moment ou à un autre, selon le ministère de l'Éducation.

Autre détail intéressant: l'immersion en français au Canada anglais se fait surtout au début du primaire, alors que le projet québécois d'immersion en anglais se ferait en 6e année. «En général, on considère que plus tôt on fait de l'immersion, mieux c'est», dit M. Genesee.