En matière de décrochage scolaire, les projecteurs sont généralement tournés vers les garçons et occultent le phénomène chez les filles. Et pourtant, non seulement le décrochage touche les filles, mais il a aussi des conséquences sociales et économiques importantes.

Il est urgent que le gouvernement s'en préoccupe, soutient la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) qui a commandé une étude sur le décrochage des filles.

«On ne peut pas fermer les yeux sur les conditions inhérentes des filles et on ne peut plus feindre l'ignorance», déclare le président de la FAE, Pierre St-Germain.

Les récentes données du ministère de l'Éducation révèlent un écart de 9% entre le taux de décrochage des filles et celui des garçons. Ces données se basent sur le pourcentage de jeunes adultes qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires à l'âge de 19 ans.

Si l'on tient plutôt compte des adultes qui n'ont pas de diplôme à l'âge de 24 ans, le barème qui est considéré dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), cet écart se réduit à 4%.

C'est ce qu'indique l'étude réalisée par l'Institut de recherches et d'études féministes de l'Université du Québec à Montréal, lancée par la FAE, avec la collaboration de l'organisme Relais-femmes.

Raisons distinctes

Les raisons qui poussent les filles à quitter les bancs d'école sont différentes. L'adversité familiale est souvent très présente. La violence, l'inceste ou l'obligation de jouer un rôle de soutien pour la famille sont tous des facteurs qui contribuent davantage au décrochage des filles, indique l'étude.

Dans sa politique actuelle de lutte contre le décrochage, le ministère de l'Éducation mise sur les programmes axés sur le sport ou les intérêts masculins, note la FAE. Sans nier la problématique liée aux garçons, le syndicat qui représente 32 000 enseignants craint que les intérêts des filles ne soient maintenant laissés de côté.

«Ce qui nous agace dans le monde scolaire, c'est que tout est ciblé sur les garçons», déclare M. St-Germain. La FAE n'est pas la première à sonner l'alarme. Le Conseil supérieur de l'éducation l'a fait avant elle, il y a une dizaine d'années. «Ça prend quelqu'un qui arrive avec un nouvel électrochoc pour alerter le gouvernement [parce qu'avec] les mesures qui sont prises actuellement pour les garçons, on est en train de déconstruire les éléments positifs qui pourraient permettre aux filles d'être à l'école et de bien fonctionner», croit M. St-Germain.

Pour son étude, la chercheuse Isabelle Marchand, de l'Institut de recherches et d'études féministes de l'UQAM, a interviewé 26 femmes de 19 à 54 ans au téléphone.

Toutes ont abandonné l'école avant d'obtenir un diplôme. La plupart ont aujourd'hui des enfants et sont femmes au foyer. Celles qui travaillent occupent généralement des emplois dans le secteur public et gagnent à peine le salaire minimum.

Elles vivent majoritairement dans des conditions précaires et 10 d'entre elles reçoivent des prestations d'aide sociale.

«Pour elles, ne pas détenir de diplôme d'études secondaires à notre époque est synonyme de précarité financière, d'emploi mal payé et peu gratifiant», explique Mme Marchand.

D'autres études ont d'ailleurs démontré que les femmes qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires se trouvent généralement dans une position plus précaire que les hommes dans la même situation.