Les policiers et les étudiants en grève ont donné l'impression d'avoir tiré des leçons des débordements de la semaine dernière lors de manifestations qui se sont déroulées dans le calme, lundi après-midi, mais la tension est montée d'un cran en début de nuit.

Après avoir fait un sit-in rue Sainte-Catherine pendant la soirée de lundi, un groupe de manifestants s'est dirigé vers les locaux de La Presse vers minuit, où ils ont endommagé des vitrines, puis ils se sont dispersés dans le Vieux-Montréal.

Dans l'après-midi, un petit groupe d'étudiants de l'UQAM a décidé de bloquer la rue Sainte-Catherine, à l'angle de la rue Sanguinet. Ils protestaient contre la décision de la direction de leur université de fermer quatre pavillons de peur d'une occupation par les protestataires.

Des railleries

Des hommes du groupe d'intervention de la police de Montréal se sont rapidement postés devant eux. Quand ils leur ont intimé l'ordre de quitter les lieux, les manifestants, assis sur la chaussée, ont regagné les trottoirs, non sans décocher quelques railleries à l'endroit des hommes casqués.

Mais quelques minutes plus tard, plus de 200 élèves du Cégep du Vieux Montréal qui sortaient d'une assemblée écourtée, car il n'y avait pas quorum, sont arrivés en trombe par la rue Sanguinet, croyant les étudiants toujours sur place. Ils ont rapidement occupé le carrefour qui venait tout juste d'être libéré, sous l'oeil amusé des étudiants de l'UQAM qui ne les attendaient pas. Même les policiers, pris de court puisque plusieurs d'entre eux venaient de quitter les lieux, ont pris cet imprévu de taille avec le sourire.

Puis, tout ce beau monde réuni s'est de nouveau installé sur l'asphalte.

Sous le soleil, la tension semblait s'être atténuée entre les jeunes et les forces de l'ordre.

Discussions

Deux officiers du groupe d'intervention, vêtus de leur impressionnante armure, mais sans leur casque, se sont même mêlés aux manifestants. Des discussions animées, mais polies, ont eu lieu entre les deux groupes.

Les jeunes avaient une multitude de critiques et de questions sur les raisons de l'utilisation qu'ils jugent déraisonnable de la force employée par la police lors de la manifestation devant Loto-Québec, mercredi dernier.

Les officiers leur ont répondu avec calme ce qui, pour eux, justifie l'utilisation de la «force raisonnable».

Ils les ont renseignés sur le type d'armes et de projectiles qu'ils utilisent, dont les fameuses grenades assourdissantes. Et ils étaient catégoriques : le type d'engin argenté décrit par le jeune Francis Grenier, qui a été gravement blessé à un oeil, ne ferait pas partie de leur arsenal.

Pas de réconciliation

Au final, il y avait toujours mésentente entre les manifestants et les policiers. Leurs positions sont aux antipodes.

Mais plusieurs étudiants, même parmi les plus militants, ont confié avoir apprécié cette possibilité d'échanger avec la police.

Dans la rue, ils jouaient de la musique, dansaient, jouaient au soccer. Même eux ne sont pas tous sur la même longueur d'onde. Certains réclament la gratuité scolaire. D'autres, le gel des droits de scolarité.

La tactique de la police, en fin d'après-midi: les laisser faire jusqu'à ce qu'ils se dispersent d'eux-mêmes.

«C'est une très belle manifestation. Un sit-in, c'est une incitation à la non-violence», croit un élève du Cégep du Vieux Montréal qui considérait comme une victoire cette longue occupation.

Plus tôt dans la matinée, un millier d'étudiants et d'élèves ont participé à une marche silencieuse, de l'UQAM au bureau du premier ministre Jean Charest, rue McGill.

«Dans la plupart des manifestations, on crie beaucoup, et malheureusement, le gouvernement reste sourd à nos demandes. Nous avons donc questionné la valeur de notre parole et décidé d'organiser cette action symbolique. Parfois, le silence peut parler autant que des mots», explique une organisatrice, Amélie Larose-Dubois, étudiante en art dramatique à l'UQAM.

Plus tôt, des étudiants de l'Université Laval, à Québec, ont bloqué les accès aux bureaux administratifs de leur institution et des professeurs du collège Édouard-Montpetit de Longueuil, ont manifesté pour appuyer les étudiants et élèves, qui sont maintenant 150 000 en grève. Plusieurs manifestations sont encore à prévoir cette semaine.

- Avec Émilie Bilodeau