Une autre journée hyperactive des étudiants grévistes s'est amorcée dans le chaos mardi.

Un blocus du siège social de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui s'était amorcé dans le calme, s'est conclu dans les jets de gaz irritant et les affrontements entre manifestants, policiers et employés de la société d'État.

Environ 200 étudiants étaient arrivés à 7h30 au siège social, à l'angle du boulevard René-Lévesque et de l'avenue De Lorimier. Ils se sont installés devant les portes, pour empêcher les employés d'entrer au travail.

La Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) avait annoncé que ce type de «perturbation économique» serait dorénavant son outil de prédilection pour se faire entendre.

Après deux heures d'observation, les policiers ont lu aux manifestants un avis d'éviction.

Les agents se sont déployés au pas de course pour encercler des étudiants massés dans l'escalier principal. Un peloton qui les a pris de flanc par une rampe pour fauteuils roulants a vainement tenté de les faire partir. C'est à ce moment que les agents se sont mis à employer abondamment le gaz irritant CS.

«Les premiers policiers nous ont poliment demandé de reculer. Mais comme on n'a pas bougé, un agent qui semblait être le supérieur du groupe, et qui était derrière, s'est mis à nous asperger», a raconté un manifestant qui a reçu du gaz.

Déchaînés à la suite de cet assaut, les manifestants ont conjugué leurs forces et réussi à repousser les policiers au bas de la rampe.

Une nouvelle échauffourée a éclaté. Un manifestant a été arrêté. Il a très vigoureusement résisté, malgré les nombreux jets de gaz qu'il a reçus au visage sous les cris indignés de ses camarades. Il sera accusé d'entrave au travail des policiers et de voies de fait.

Par la suite, les agents ont tenté d'ouvrir une brèche dans la foule pour permettre aux employés de la SAQ de rentrer au travail. Certains ont refusé tandis que d'autres ont défié les protestataires. Une bousculade a même éclaté entre employés et étudiants.

Des manifestants se sont alors mis à insulter des travailleurs postés sur le boulevard René-Lévesque. «Scabs!», a lancé l'un d'eux.

Le hic, c'est que ces travailleurs refusaient justement d'entrer au travail en appui aux étudiants.

«On n'a pas besoin d'un mort pour entrer au travail», venait de lancer l'un d'entre eux, ému et au bord des larmes, aux policiers.

Les employés ont finalement été invités à rentrer chez eux sous les applaudissements des étudiants.

«Ils ont le droit de manifester. Mais s'ils voulaient perturber l'économie, ils auraient dû aller au CDM [Centre de distribution Montréal, entrepôt de la SAQ] et bloquer les camions de livraison», a indiqué une employée.

Président de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Léo Bureau-Blouin dit qu'il recommande le pacifisme aux siens.

«Mais quand tu laisses 200 000 personnes dans la rue, c'est normal que certains croient qu'il n'y a que la désobéissance qui leur permettra d'être entendus. En fin de compte, le seul responsable est le gouvernement», a-t-il souligné.

En après-midi, près de 2000 étudiants ont marché dans le plus grand calme de l'Université Concordia jusqu'au 500, rue Sherbrooke Ouest, siège de Loto-Québec et de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Cette action a été organisée par la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal.