Le premier ministre Jean Charest sonne la fin de la récréation. Il affirme que toute forme d'intimidation exercée par le mouvement étudiant doit cesser et que personne ne doit empêcher les étudiants de cégep et d'université de retourner en classe.

Depuis Sao Paulo, au Brésil, M. Charest s'est même risqué à comparer la situation qui prévaut lors des votes pris par les étudiants au climat d'intimidation qui règne dans l'industrie de la construction.

«On ne doit pas céder le pas à l'intimidation», a dit le premier ministre en point de presse, en marge de la mission à caractère économique à laquelle il participe au Brésil.

Sinon, s'est-il demandé, «dans quelle sorte de société on vit, si on accepte que des personnes sont intimidées parce qu'elles veulent aller étudier?»

Il a ajouté que le Québec venait de faire «un gros débat dans le domaine de la construction, on ne veut pas ça pour ailleurs», dans un autre secteur d'activité.

La semaine dernière, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, avait exhorté les étudiants à procéder par vote secret lors des votes de grève à reprendre, précisément pour éviter que certains se sentent contraints de suivre le mouvement de boycott des cours, qui dure depuis plus de deux mois, mettant chaque jour davantage en péril la session en cours.

Mercredi, la ministre Beauchamp a tapé le clou, s'adressant cette fois aux directions des universités et des cégeps, pour leur dire qu'elles devaient «tout mettre en oeuvre» pour que les étudiants désirant suivre leurs cours puissent le faire sans problème.

Dans cet esprit, elle a dit appuyer le Collège de Valleyfield, qui a décidé de forcer le retour en classe dès jeudi, même si une majorité des étudiants s'est prononcée en faveur du boycott.

Le message de la ministre est clair: les cours doivent se donner, qu'il y ait vote en faveur de la grève ou pas, point.

Dans un climat de confrontation, le ton a donc monté d'un cran, mercredi, entre le gouvernement et le mouvement étudiant.

Actuellement, 35 pour cent des étudiants, environ 178 000 jeunes, sont toujours dans la rue, tandis que les 65 autres pour cent poursuivent leurs cours comme avant le déclenchement du boycott.

Car il faut bien parler de boycott et non de grève, a insisté le premier ministre Charest, puisque le gouvernement n'est pas l'employeur des étudiants.

Les leaders du mouvement étudiant devront donc accepter que les étudiants poursuivent leur session «sans qu'on cherche à les bloquer dans leur droit le plus strict d'obtenir une éducation», a ajouté le premier ministre.

Selon la ministre Beauchamp, à ce stade-ci, la situation est devenue très préoccupante quand on pense aux délais requis pour récupérer le temps perdu d'ici la fin de l'été, compte tenu des conventions collectives des enseignants.

Il n'est toujours pas question, pour le gouvernement, de reculer sur le fond: les hausses des droits de scolarité de 1625 $ en cinq ans vont s'appliquer.

Pendant ce temps, mercredi, des leaders étudiants ont proposé une série de mesures pour «couper dans le gras» des budgets des universités, afin d'éviter cette hausse des droits de scolarité.

En conférence de presse, les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ont indiqué avoir identifié des compressions possibles de 300 millions $ sur cinq ans dans les budgets des universités.

Ils proposent notamment de geler pendant cinq ans les fonds liés à l'informatique, aux communications, à l'administration et aux investissements immobiliers.

«Lorsqu'on gèle ces fonds, on se rend compte qu'on fait des économies qui nous permettent de réinvestir notamment au niveau de la recherche et de l'enseignement qui sont les éléments fondamentaux des universités», a déclaré la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.

Les fédérations étudiantes demandent également une diminution des salaires des recteurs des universités, et réclament des coupes dans les budgets liés au personnel de gestion.

Ces différentes mesures permettraient de dégager un surplus supérieur à ce que représenterait la hausse des droits de scolarité, sans pour autant accroître le fardeau fiscal des Québécois, selon eux.

Pour accroître la pression sur le gouvernement, les manifestations se poursuivent.

Les étudiants avaient prévu tenir, ce mercredi, 12 manifestations en 12 heures.

En matinée, à Montréal, ils se sont pointés à divers endroits au centre-ville.

Tôt en matinée, plusieurs dizaines d'étudiants s'étaient massés devant l'immeuble de la Banque Nationale sur la rue de la Gauchetière Ouest pour en bloquer l'accès. Les policiers ont eu recours à du gaz irritant pour disperser les manifestants. Un homme de 23 ans a été arrêté sur les lieux pour voies de fait à l'endroit d'un policier. Un autre manifestant a été blessé à la cheville en quittant les lieux à la course.

Une dame, qui a été victime d'un malaise à l'intérieur de l'immeuble, avait dû attendre que les policiers libèrent l'entrée de l'édifice avant d'être prise en charge par Urgences Santé.

Un peu plus tard dans la journée, des étudiants ont tenté de pénétrer à l'intérieur d'un édifice à bureaux sis aux intersections de la rue Peel et du boulevard René-Lévesque. Un agent de sécurité, qui a tenté de leur bloquer l'accès, a été bousculé par les étudiants et a subi des blessures mineures. Celui-ci a déposé une plainte auprès du SPVM.

Des étudiants ont également tenu des manifestations à Québec. Des succursales de la CIBC et de la Banque Nationale ont été occupées en matinée.