La situation dégénère à l'Université de Montréal, où des professeurs accusent des agents de sécurité d'intimidation à leur égard. Le conflit prend une telle tournure que la direction renonce maintenant à obliger les professeurs à donner leurs cours.

«Les conditions pédagogiques ne sont pas réunies pour donner les cours et permettre aux professeurs de poursuivre les activités. Nous ne sommes pas dans une situation normale», a reconnu la porte-parole de l'Université, Flavie Côté, au terme d'une journée mouvementée.

L'Université de Montréal avait fixé au 10 avril la date butoir pour le retour en classe. Au cours des derniers jours, elle a obtenu une injonction pour empêcher tout blocage sur son campus. Elle a aussi fait parvenir une directive aux professeurs les informant qu'ils devaient donner les cours ou les examens même si un seul étudiant était dans la classe.

Mardi, Mme Côté a confirmé que cette consigne sera «ajustée» à la suite des événements récents.

Depuis le début de la semaine, des agents de sécurité de la firme privée Best ont été engagés par l'Université pour prêter main-forte aux agents de la paix déjà sur le campus. Certains de ces agents portent une matraque télescopique qui sert à repousser les foules. Plusieurs professeurs et étudiants ont dénoncé leurs agissements.

Certains professeurs affirment avoir été intimidés, voire forcés à rentrer dans leur local pour donner les cours.

Le directeur de l'Institut d'urbanisme a d'ailleurs été témoin d'une scène impliquant deux professeurs qui venaient de constater qu'aucun élève n'était présent au cours.

«Un agent leur a dit d'aller dans leurs salles de cours de façon suffisamment ferme pour que je puisse parler d'intimidation», explique le directeur, Franck Scherrer. Il a écrit une lettre au doyen de la faculté, qui a circulé mardi.

«Il règne un climat délétère à l'Université de Montréal actuellement et les professeurs sont en colère», confirme le président du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal (SGPUM), Jean Portugais.

«La direction de l'Université de Montréal et les directives qui viennent aussi du gouvernement du Québec sont responsables de cet état de crise», ajoute-t-il.

Des étudiants rapportent de leur côté des propos inappropriés et disgracieux de la part des agents à leur endroit. La Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal (FAECUM) reçoit de nombreuses plaintes à ce sujet, affirme la secrétaire générale, Stéfanie Tougas. «Ils dépassent les bornes», lance-t-elle au sujet des agents de sécurité.

Trimestre suspendu?

«La situation est prise au sérieux», affirme la porte-parole de l'Université de Montréal. Ces allégations seront vérifiées et des mesures seront prises si elles se confirment, a-t-elle ajouté, en précisant que les agents de sécurité interviennent s'il y a «perturbation».

Par ailleurs, des étudiants en science politique ont cru que leur trimestre était annulé mardi lorsqu'ils ont reçu un courriel du directeur du département les informant que le trimestre d'hiver était suspendu.

En fin de journée, la porte-parole de l'Université a convenu que le directeur avait agi précipitamment. «Le mot suspension reste à définir», explique Mme Côté. La direction et les professeurs devront discuter au cours des prochains jours des modalités de rattrapage ou d'abandon de cours s'il y a lieu.

Le climat qui règne actuellement inquiète vivement le mouvement des Profs contre la hausse. Plus de 2500 professeurs ont adhéré à ce mouvement, et quelques centaines se réunissent chaque semaine pour faire le point sur la situation.

Mardi, il a été question des incidents à l'Université de Montréal et de l'arrestation d'un professeur à l'Université du Québec en Outaouais.

Contre la ministre

«L'indignation est là. Le désir de solidarité aussi», rapporte Caroline Proulx, professeure en littérature au Collège d'Ahuntsic. Certains professeurs comptent même se rendre à Gatineau aujourd'hui pour manifester.

Les Profs contre la hausse ont rédigé une lettre demandant la démission de la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp. Ils ont recueilli à ce jour 1425 signatures de professeurs.

«Ça n'a pas d'allure, on est en train de se demander où ça va aller», ajoute Mme Proulx, qui fait partie des instigateurs de cette lettre.