Coralie Desève, 12 ans, a été choquée de lire des textes en faveur des aliments contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans ses manuels scolaires. Grâce aux OGM, on n'aura à l'avenir «plus besoin de se servir de pesticides polluants», lit-on dans le manuel Cyclades, approuvé par le ministère de l'Éducation (MELS).

«Nutritifs et résistants, les fruits et légumes seront, dit-on, encore plus savoureux», précise le texte destiné aux élèves de 6e année. «Les pommes n'auront plus de pépins, les fraises seront plus sucrées et plus juteuses et les poires se conserveront plus longtemps. On prévoit aussi intégrer des médicaments et des vaccins dans les aliments.»

Coralie a aussi sursauté en lisant son cahier d'exercices de français. Un passage du cahier Vingt mille mots sous les mers précise que les risques liés à la consommation de petites quantités de pesticides ne sont pas importants et qu'aucune étude ne démontre que les OGM sont nocifs.

«Je suis en désaccord avec ça, a dit la jeune fille, qui consomme des aliments biologiques. Je ne peux pas croire que c'est dans des livres scolaires. Les enfants les lisent et pensent que c'est vrai.»

«C'est surréaliste, a ajouté Jérôme Plante, beau-père de Coralie et directeur général du distributeur d'aliments biologiques Le Jardin des Anges. C'est de la publicité pour les OGM, qui sont des possessions d'entreprises privées.»

«Prospective scientifique»

Il s'agit plutôt de «prospective scientifique formulée pour des enfants d'âge scolaire», selon Jean Bouchard, directeur général du Groupe Modulo, éditeur de Cyclades. Dans le passage dénoncé par la jeune élève, M. Bouchard ne voit pas «quelque chose qui fasse la promotion des OGM, de l'utilisation des pesticides ou un texte à l'encontre de l'agriculture biologique».

C'est «parce que ça s'inscrit dans une thématique à propos du futur» que le ministère de l'Éducation a approuvé le passage du manuel Cyclades, a expliqué Esther Chouinard, porte-parole du MELS. «C'est pour que l'élève puisse réagir au progrès», a-t-elle ajouté.

De faux bienfaits

Stéphanie Côté, nutritionniste d'Extenso, centre de référence en nutrition de l'Université de Montréal, a lu les deux extraits. Le texte du manuel Cyclades «a une forte tendance pro-OGM», a-t-elle analysé. «Je ne sais pas à quel point c'est futuriste ou une lubie, mais à l'heure actuelle, c'est faux d'attribuer autant de bienfaits aux OGM.»

Quant au cahier d'exercices, qui n'est pas approuvé par le MELS, «il banalise peut-être en effet l'utilisation des pesticides, a observé Mme Côté. À long terme, on ne connaît pas toutes les conséquences que peut avoir l'ingestion de résidus de pesticides. Il ne faut pas prendre cette question à la légère. Avec ce sujet, il y a place à la nuance, ce qui n'est pas le cas du texte en question». Les éditions CEC n'ont pas rappelé La Presse.



Extrait du cahier controversé

Extrait du cahier Vingt mille mots sous les mers, publié par les éditions CEC pour élèves de 6e année du primaire:

De fausses idées à propos des fruits et légumes

«Les fruits et les légumes contiennent-ils des pesticides nocifs pour la santé? Des études sérieuses démontrent que les bienfaits associés à la consommation de fruits et légumes sont réels. Il est également prouvé que les risques liés à la consommation de petites quantités de pesticides sont de loin inférieurs aux nombreux bienfaits que procure une alimentation riche en fruits et légumes. Tout un soulagement! Il existe sur le marché des espèces alimentaires génétiquement modifiées, mais aucune étude ne démontre qu'elles sont nocives.»