«Il aurait mieux valu condamner le policier, ce qui aurait apaisé les tensions ici. Une autre étincelle pourrait déclencher de nouveaux problèmes.»

Comme plusieurs personnes rencontrées hier matin à Montréal-Nord, Joseph voit d'un bien mauvais oeil les résultats du rapport d'enquête de la Sûreté du Québec sur la mort de Fredy Alberto Villanueva. Selon ce que La Presse a appris de plusieurs sources, le rapport conclut que le jeune policier qui a fait feu sur M. Villanueva a agi en légitime défense. La Presse a aussi appris qu'aucune accusation criminelle ne serait portée contre lui.

Ce matin, dans le quadrilatère où l'émeute avait éclaté, la colère et la déception transpiraient de partout. Plusieurs personnes disaient craindre le pire. «Je ne crois pas en cette thèse de la légitime défense, je suis sûr que le jeune homme est innocent», ajoute Joseph.

«Je ne sais pas pourquoi ce policier serait blanchi», déplore pour sa part Horal Fédé, rencontré un peu plus loin, rue Pascal. «Contre quelqu'un qui n'est pas armé, les policiers devraient tirer une balle en l'air ou dans une jambe», peste ce chauffeur de taxi.

Dans le stationnement d'un commerce, Yves et Janine vendent des DVD éparpillés sur une couverture. Ils poussent un immense soupir de découragement en apprenant que le policier risque de s'en tirer. «Ils veulent déclencher une autre guerre!» explose Janine, qui accuse les policiers de se protéger entre eux. «L'ambiance est encore lourde. Les policiers voient encore les gens comme des criminels », ajoute Yves.

Installé dans le quartier depuis 35 ans, Daniel Simard craint aussi que les choses dégénèrent à nouveau. «Ça n'a pas de sens, s'il est blanchi. Si c'était moi qui avais tiré, est-ce que j'aurais été blanchi?», demande l'homme de 62 ans.

De leur côté, les propriétaires des commerces vandalisés durant l'émeute avaient la mine basse. «Mon dépanneur a été complètement démoli. J'ai peur que les problèmes recommencent», avoue Dave, devant son commerce du boulevard Langelier.

Son voisin, dont la pizzeria avait été transformée en ruine par des vandales, partage cette inquiétude. Chico devra mettre la clé sous la porte dans trois mois, faute de clients et d'argent pour rembourser ses créanciers. «Tout ce qui est arrivé est la faute de la police. Ils auraient pu tirer dans les jambes, dans un bras», déplore Chico.

Des rumeurs

Brunilda Reyes, directrice de l'organisme Les Fourchettes de l'espoir et porte-parole de Solidarité Montréal-Nord, qualifie de rumeur l'information publiée hier dans La Presse. Cette rumeur, précise-t-elle, a d'ailleurs été démentie par le directeur des poursuites criminelles et pénales.

Martine Bérubé, porte-parole du bureau du directeur des poursuites, a d'ailleurs martelé qu'aucune décision n'avait encore été prise.

D'ici la sortie officielle du rapport, Brunilda Reyes invite la population, mais aussi les médias à agir en bons citoyens. «Ce type de sensationnalisme ne fait qu'aggraver les choses», laisse tomber Mme Reyes, en parlant de la nouvelle publiée par La Presse.

Quant à la famille Villanueva, elle a refusé de la commenter et préfère attendre la sortie du rapport.