Au moment même où avait lieu un rassemblement pour la paix à Montréal, des policiers ont fait feu, hier, sur un jeune homme de 18 ans. Une histoire qui n'est pas sans rappeler celle de Fredy Villanueva, qui a embrasé Montréal-Nord il y a deux mois. Cette fois aussi, la famille remet en question l'action des policiers.

Nashwan Abdullah a été atteint d'une balle à l'abdomen vers 12 h 30, hier, à l'angle de la rue Everett et de la 23e Avenue, dans le quartier Saint-Michel. Le jeune homme était recherché pour tentative de meurtre, et des policiers, pensant l'avoir identifié, ont tenté de l'interpeller. Le jeune homme, armé d'un couteau, a fui à pied. Les policiers l'ont pris en chasse, puis ont tenté de l'immobiliser en utilisant du gaz poivre. En vain. C'est à ce moment que la victime aurait brandi un couteau. Les policiers ont répliqué en dégainant leur arme. «Les agents se sont sentis menacés», a expliqué la porte-parole du Service de police de la ville de Montréal, Lynne Labelle. Plusieurs témoins ont confirmé avoir entendu un seul coup de feu. Les policiers n'étaient pas munis d'un pistolet électrique.

Le jeune homme a été blessé sérieusement, mais sa vie n'est pas en danger. Un agent qui s'est accidentellement aspergé de gaz poivre a été hospitalisé, et trois de ses collègues souffrent d'un choc nerveux.

Une famille en colère

C'est avec des mots très crus et une colère vive que la mère de Nashwan, Narween Kakavahs, a réagi hier. «Salauds de policiers!» a-t-elle lancé au visage d'un agent, les yeux brouillés par les larmes.

«Ils n'ont pas le droit de toucher à un enfant comme ça. Ce n'est qu'un enfant», a-t-elle ensuite martelé aux journalistes.

Sabrina Abdullah, la soeur aînée de Nashwan, ne croit pas les policiers lorsqu'ils affirment que son frère était armé. «Il ne possédait même pas de couteau et s'il en avait eu un, les policiers nous l'auraient montré.»

Sabrina Abdullah n'a pas hésité à tracer un lien entre ce qui s'est passé hier et la mort de Fredy Villanueva, bien que ce dernier, contrairement à son frère, n'était pas recherché par les autorités.

«Les policiers ont encore été trop rapides à faire feu. Ils étaient une douzaine à pourchasser mon frère. Je ne peux pas croire qu'ils n'auraient pas été capables de l'arrêter sans utiliser leur arme. »

La rumeur de l'intervention s'est répandue comme une traînée de poudre, et les voisins sont rapidement venus encercler le large périmètre de sécurité. Dans leurs conversations aussi, le nom de Fredy Villanueva a été évoqué plus d'une fois.

Comme à Montréal-Nord, les résidants du secteur craignent que cette intervention entraîne une émeute dans leur quartier, qu'ils décrivent pourtant comme très paisible. « C'est sûr que ça va sauter ! Les gens vont seulement retenir que les policiers ont fait feu sur un jeune. Ils sont tannés de ça. Ils vont se révolter», a lancé Pascal Simeoni.

«Il n'y a aucune raison pour qu'un policier fasse feu sur un jeune homme, c'est faire usage d'une force démesurée», a aussi dénoncé Khalid Daher. «La population ne reprendra jamais confiance envers les autorités», a renchéri sa femme, Khadija Daher.

Une bande d'adolescents a d'ailleurs applaudi Mme Kakavahs quand elle a injurié les policiers sous leurs yeux. Mais d'autres voisins ont plutôt pris le parti des policiers, allant jusqu'à participer à l'arrestation du jeune homme.

La Sûreté du Québec a été chargée de faire enquête sur cette intervention.