Isolé pendant des mois dans une cellule minuscule de Guantánamo, presque aveugle à force de fixer l'ampoule, emprisonné sans accusation depuis 2002, un Algérien qui a vécu cinq ans à Montréal a reçu l'appui hier du diocèse anglican qui souhaite le rapatrier.

Djamel Ameziane, 41 ans, a été officiellement parrainé par le diocèse qui s'engage à le prendre sous son aile pendant un an, après son retour. «Il s'agit d'une personne qui a un urgent besoin de protection: il est emprisonné de façon arbitraire depuis sept ans, a été torturé et ne peut être renvoyé en Algérie, plaide Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, un des organismes qui a prêté main-forte au diocèse dans cette cause. Nous ne demandons pas au Canada de faire quelque chose d'extraordinaire, uniquement d'appliquer la loi sur le parrainage par les organisations.»

 

M. Ameziane a quitté l'Algérie en 1992, au plus fort de la guerre civile entre l'armée et les islamistes, pour Vienne, où il a travaillé légalement dans des restaurants. En 1995, incapable d'obtenir un renouvellement de visa, il a pris l'avion pour Montréal et a demandé l'asile politique à son arrivée. Cinq ans plus tard, on le lui a refusé. Craignant de retourner en Algérie, il a émigré en Afghanistan, «un des seuls pays où il pouvait aller sans visa, et qu'il percevait comme sûr pour un musulman comme lui», explique Pardiss Kebriaei, avocate du Center for Constitutionnal Rights, basé à New York.

Djamel Ameziane n'a jamais suivi d'entraînement militaire ou d'endoctrinement lors de son séjour en Afghanistan, insistent ses défenseurs. En fait, dès le déclenchement de la guerre en septembre 2001, il a tenté de fuir le pays et a été intercepté à la frontière du Pakistan. Il a été remis aux Américains et incarcéré à Guantánamo en février 2002, dans une cage du fameux camp X-Ray.

Il aurait été soumis à des actes de torture brutaux: on lui aurait notamment arrosé tout le corps de gaz poivre puis on l'a aspergé d'eau, ce qui provoque une sensation intolérable de brûlure. Il a eu droit à la simulation de noyade comme bien des détenus, s'est retrouvé des semaines entières dans des cellules trop climatisées, sans fenêtre ou trop petites, isolé 22 heures sur 24.

«Il a passé près de 2300 jours à Guantánamo, et il n'a jamais été accusé de quoi que ce soit», dit Mme Kebriaei, Il fait partie d'un groupe d'une cinquantaine de détenus -sur les 260 toujours à Guantánamo- qui posent un problème particulier aux États-Unis, précise-t-elle. «Ils sont conscients que les risques de torture ou de disparition sont grands s'ils le renvoient chez lui, c'est la raison pour laquelle nous demandons au Canada de l'accueillir.»

Rendue publique hier, la demande de parrainage d'urgence a été déposée il y a trois mois, le 14 juillet dernier, et semble perdue dans les méandres administratifs, selon Glynis Williams, d'Action réfugiés Montréal. «Ça prend en théorie trois à cinq jours pour avoir une réponse.» Il a été impossible d'avoir les commentaires de Citoyenneté et Immigration Canada.

Le parrainage de réfugiés est une des activités humanitaires les plus efficaces du diocèse anglican de Montréal. En 25 ans, on estime à plus d'un millier les réfugiés qu'on a ainsi tenté d'aider. Selon Glynis Williams, le taux de succès oscille entre 75 et 80%.