C'était convenu, Patrick Merlin allait mourir.

Parce qu'ainsi, on n'aurait pas à le payer pour les 40 livres de mari qu'il allait apporter.

En ce début de nuit du 15 mars 2004, croyant se faire payer, Merlin est tombé dans le piège quand il est venu au rendez-vous qu'on lui avait fixé, dans une ruelle de Verdun. Qu'importe s'il y a eu un imprévu puisque sa conjointe, Audrey-Ève Charron, l'accompagnait.

«Je lui en ai mis un à lui. La fille s'est mise à hurler. Je lui en ai mis deux à elle.» C'est avec cette économie de mots que Johanes Winton allait plus tard raconter à l'une de ses maîtresses, Laurie-Ann, comment il avait tué les deux victimes, assises sur la banquette avant de leur voiture, dans la ruelle qui sépare la 2e et la 3e Avenue, à Verdun.

Johanes Winton a été déclaré coupable, mercredi, des meurtres prémédités de Patrick Merlin, 25 ans, et Audrey-Ève Charron, 23 ans. Le verdict est tombé au terme d'un procès de plus de trois mois. Le téléphone portable de Patrick Merlin, trouvé sur la banquette où il gisait, a aiguillé l'enquête dès le début. Dans les deux heures précédant sa mort, survenue vers minuit 40, Merlin avait échangé douze appels avec le même numéro. Une analyse minutieuse et une enquête rigoureuse ont permis de relier ce numéro de téléphone à Daniel Martel et à Johanes Winton. Martel, un revendeur de drogues, s'approvisionnait régulièrement auprès de Merlin. Winton était un ami de Martel. Selon la théorie de la Couronne, le meurtre de Merlin était un projet commun de Martel et Winton. Martel organiserait le guet apens, tandis que Winton serait l'exécutant. Ils allaient ensuite se séparer les 80 000 $. Winton a effectivement reçu des sommes considérables après le double meurtre : 36 000 $ qu'il a dilapidés en deux ou trois mois en achats de toutes sortes payés en argent comptant. Il a notamment acheté plusieurs ordinateurs, car il prévoyait lancer un site pornographique sur le web avec une de ses maîtresses pour faire de l'argent.

Le chat et la souris

Les enquêteurs Denis Hogg et Pascal Leclair, de la section des Homicides de la police de Montréal, ont entrepris un véritable jeu du chat et de la souris pour coincer les deux suspects, notamment avec de l'écoute électronique. En septembre, Winton et Martel étaient arrêtés et accusés des crimes commis cinq mois plus tôt.

Fait particulier: Au moment des crimes, Winton entretenait des relations intimes avec trois femmes. Quand il a reçu sa libération conditionnelle, en 2002, il est allé demeurer avec Joy, la femme qu'il a connue pendant sa longue détention et avec qui il a eu deux enfants conçus lors des séjours en roulottes accordés aux détenus. Parallèlement à cette relation, et à l'insu de chacune d'elles, il avait des liaisons avec deux autres jeunes femmes en 2004 : Valérie, qui a d'ailleurs eu un enfant avec Winton en 2004, et Laurie-Ann, qui a raconté devant le tribunal être tombée enceinte quatre fois de Winton. Toutes ces grossesses se sont terminées en fausses couches. Ces trois femmes ont toutes agi comme témoins à charge lors du procès, mais une bonne partie de la preuve reposait sur le témoignage de Laurie-Ann. Celle-ci a eu connaissance d'une partie de la préparation du meurtre, ainsi que de la destruction d'éléments de preuve. En fait, elle a accompagné Winton quand il est allé jeter l'arme à feu ayant servi aux meurtres dans le fleuve. Il avait pris soin de la briser en morceaux. Des plongeurs en ont d'ailleurs retrouvé des parties. Elle a également reçu les confidences de Winton. À l'époque, elle était complètement sous le joug de cet homme dont elle était follement amoureuse. Mais cette malheureuse époque est bien finie, a-t-elle fait valoir, en expliquant qu'elle a épousé un professeur et qu'elle travaille dans un laboratoire maintenant.

En bout de ligne, il est assez étonnant de constater avec quelle facilité Johanes Winton a réussi à séduire et à tromper les gens dans sa vie. France Giguère, une très bonne amie de Patrick Merlin, a assisté à tout le procès. À un certain moment, elle a tressé ses longs cheveux. Du box des accusés, Winton lui a fait comprendre qu'il trouvait ça joli! Elle était soufflée par son culot et son inconscience. Si ça se trouve, c'est à elle que Winton aurait mis deux balles dans la tête, car il arrivait souvent à Mme Giguère d'accompagner Patrick Merlin dans ses déplacements et de conduire sa voiture.