Puissamment aidé financièrement par le Fonds de solidarité du Québec, l'entrepreneur Tony Accurso compte, depuis longtemps, plusieurs amis au sein de la haute direction de la FTQ.

Membre du conseil d'administration du Fonds depuis 2002, l'actuel président de la centrale, Michel Arsenault, a reconnu hier être «l'ami depuis 20 ans» de l'entrepreneur. Président de la FTQ-Construction depuis 1981, Jean Lavallée, autre administrateur du Fonds de solidarité, compte aussi parmi les relations de très longue date du magnat québécois de la construction.

 

En novembre dernier, MM. Arsenault et Lavallée se sont retrouvés sur le yacht somptueux de l'entrepreneur montréalais aux îles Vierges, un «119 feet dreamboat» selon une revue spécialisée. «Le président de la FTQ ne peut diriger ça de son sous-sol», a répliqué de manière incisive M. Arsenault au journaliste qui l'avait questionné sur son séjour à l'invitation de l'homme d'affaires, maintes fois appuyé par le Fonds de solidarité dont il dirige le conseil d'administration.

Placements rentables

Accurso, «un ami», lui a été présenté par Louis Laberge à l'époque. «En date d'aujourd'hui», le Fonds de solidarité détient 47 millions de dollars en débentures - en créance non garantie - dans les entreprises de M. Accurso, a soutenu à La Presse Normand Bélanger, vice-président au Fonds. Radio-Canada parlait hier de 250 millions de dollars d'appui aux entreprises d'Accurso en 20 ans, un chiffre que n'a pas nié le Fonds dans un communiqué, tard en soirée.

M. Arsenault a invité «des dizaines de fois» Accurso à bord de son bateau de 30 pieds sur le Saint-Laurent. En dépit de cette proximité, «il n'a pas de fast track au Fonds de solidarité, ses dossiers sont traités comme les autres».

Hier soir, le Fonds a soutenu avoir obtenu 12,8% de rendement dans ces placements avec Accurso, trois fois plus que le rendement global de 4,1%.

Pour être approuvés, les projets doivent être scrutés par un comité dont les membres ont des compétences diversifiées, qui ont pleine latitude pour donner le feu vert ou non, a soutenu M. Arsenault à La Presse.

Depuis longtemps, les entrées de l'entrepreneur Tony Accurso auprès de la FTQ-Construction font jaser dans le milieu. Au fil des ans, M. Accurso a acheté, avec l'appui du Fonds de solidarité Simard-Beaudry, Louisbourg construction, Hyprescon et Accu-sol. Le Fonds est aussi partenaire de M. Accurso dans les centres commerciaux Place Québec et les Galeries Laval. Selon une source au Fonds, Accurso a racheté à très bon prix la participation du Fonds dans plusieurs dossiers depuis deux ans. «Il y a eu des bail out», se contentera de dire M. Arsenault.

Les rapports entre M. Accurso et la FTQ remontent loin dans le temps. C'est lui qui a construit les édifices de la FTQ et du Fonds de solidarité sur Crémazie, à Montréal. À l'époque, on trouvait bien étrange à Hydro-Québec de voir arriver l'entrepreneur flanqué de Louis Laberge, pour négocier des suppléments aux contrats accordés par la société d'État.

Des sources chez les entrepreneurs expliquent sans détour que Jean Lavallée et Jocelyn Dupuis, ex-directeur général de la FTQ-Construction, se retrouvaient «à chaque vendredi» à l'Onyx, un restaurant de Laval, dans le complexe Le Tops, propriété de M. Accurso. M. Lavallée est souvent avec son ami Accurso dans la loge de Simard-Beaudry, au Centre Bell.

M. Accurso et Lavallée ont aussi des intérêts dans une pourvoirie luxueuse, à 340$ par jour la fin de semaine, Aventure Joncas, dans la réserve faunique La Vérendrye, dont le site internet présente en photo une réunion de la FIPOE, le syndicat des électriciens. La réunion était dirigée par M. Lavallée.

Crise à la FTQ-Construction

Hier, Michel Arsenault n'hésitait plus à parler de «crise» au sein de la centrale depuis la publication d'informations sur les comptes de dépenses de Jocelyn Dupuis et ses liens avec le monde interlope. Confronté dans un restaurant dans l'est de Montréal, M. Dupuis a nié tout rapport avec les motards criminels, des constats d'une longue enquête policière révélés par La Presse.

«Je suis un chef syndical, pas un chef de police. Si j'ai des preuves qu'il y a des gens du crime organisé à la FTQ, je vais nettoyer la cabane», a promis M. Arsenault.

Devant les 400 délégués du SCFP réunis hier à Québec, Michel Arsenault a annoncé que, compte tenu du «dérapage» survenu dans les dépenses du directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, il avait demandé et obtenu que la direction de la centrale puisse faire une vérification des livres de sa composante construction. M. Dupuis avait présenté 120 000$ de dépenses en six mois, un train de vie qu'il maintenait depuis longtemps, avec la bénédiction du président de la FTQ-Construction Jean Lavallée, a soutenu à La Presse, Yves Paré, ancien directeur général.

En point de presse hier, le nouveau président du secteur construction, Yves Mercure, a soutenu avoir posé des questions sur ces dépenses excessives «à quelques reprises, et le président (Jean Lavallée) m'a dit que c'était correct, c'était de la représentation».

M. Arsenault a soutenu hier que ces dépenses «étaient une insulte aux membres de la FTQ-Construction. Il faut que cet argent serve aux activités syndicales, pas à boire des bouteilles de vin de 200$», a-t-il lancé. Dupuis, qui a en plus bénéficié d'une indemnité de départ de 140 000$, devra rembourser les «trop versés», mais M. Arsenault ne pouvait les chiffrer hier.