L'Ontario le permet, la Nouvelle-Écosse aussi. Mais pas le Québec. Le recours aux mères porteuses y est discret, voire clandestin, mais bien réel. Il faut donc amender le Code civil pour que les contrats de mère porteuse soient permis et encadrés, croit le Dr François Bissonnette, chef du service d'endocrinologie de la reproduction et infertilité du CHUM.

C'est d'ailleurs la recommandation qu'il fait à la Commission de l'éthique de la science et de la technologie, a indiqué le Dr Bissonnette hier à La Presse. La Commission a été chargée à l'automne 2007 par le ministère de la Santé de lui remettre un avis concernant les enjeux éthiques liés aux procréations médicalement assistées. Le rapport de la Commission, dont le Dr Bissonnette est l'un des experts consultés, doit être remis au début de l'été.  

Le Dr Bissonnette, également directeur médical de la Clinique de fertilité OVO, dit que les cliniques de fertilité avaient trouvé le moyen de contourner la loi provinciale pour permettre aux couples québécois de faire appel à une mère porteuse. Chaque année, la Clinique OVO de Montréal aide une dizaine de couples à avoir un enfant grâce à une mère porteuse, selon le Dr Bissonnette.

 

Mais le récent jugement du juge Michel DuBois de la Cour du Québec, qui a interdit à une femme d'adopter légalement sa fille née d'une mère porteuse, vient enrayer une machine qui profitait jusqu'ici du vide juridique en la matière. Le statu quo n'est plus possible. «Le tribunal nous dit qu'il faudra changer la loi parce que la contourner comme on le faisait, ce n'est pas acceptable, dit le Dr Bissonnette. Il faudra se pencher là-dessus et suggérer aux juristes d'abroger la loi pour pouvoir ouvrir la porte à la mère porteuse légitime.»

 

Sauf que changer le Code civil, surtout pour une question aussi délicate que les mères porteuses, ne se fait pas d'un coup de baguette. Une profonde réflexion devra être engagée à ce sujet pour bien soupeser les enjeux éthiques liés aux mères porteuses.

Protéger les femmes

Les préoccupations sont nombreuses et sont notamment liées au danger de marchandisation du corps des femmes et de l'exploitation des défavorisées. Le Dr Bissonnette dit partager ces craintes, mais croit aussi que la société québécoise ne peut pas fermer les yeux. Sans encadrement législatif, «les couples doivent s'expatrier à l'extérieur du Québec pour avoir recours à des traitements», dit-il.

 

«Je préfère les faire encadrer ici et permettre aux couples de réaliser leur projet parental dans le cadre d'une activité où je suis sûr de protéger la mère porteuse, plutôt que leur donner la simple option d'aller en Inde ou dans d'autres pays où je n'ai aucune juridiction. Là, il y a définitivement un très haut potentiel d'exploitation. Pour moi, le tourisme reproductif, c'est quelque chose qu'on doit éviter.»

 

Dans sa clinique, les mères porteuses doivent se soumettre à un examen de santé physique et psychologique avant la grossesse. La clinique s'assure aussi que la mère porteuse reçoit une compensation financière «raisonnable», soit autour de 10 000 $. «Mais la grande majorité le fait par altruisme», dit le Dr Bissonnette. Certaines mères porteuses sont, parfois, des amies du couple infertile.

 

Le couple visé dans le jugement DuBois a commis plusieurs erreurs, selon le médecin. Il n'a pas consulté une clinique de fertilité, la compensation de 20 000 $ qu'il a versée à la mère porteuse lui apparaît excessive, mais surtout, «il est allé braver le tribunal en disant qu'il avait fait appel à une mère porteuse».

 

C'est donc dire que les couples qui sont passés par sa clinique et qui ont pu adopter leur enfant ont passé sous silence les circonstances de la naissance? «Le père biologique disait: je veux que ma conjointe adopte mon enfant.» Et si le juge lui demandait où était la mère de l'enfant? «Il n'y avait pas de mère sur le certificat.» Le juge ne posait pas plus de questions? «Non.»