Mettez de côté le mythe de l'agresseur à cagoule qui viole sa victime dans une ruelle sombre. Au Québec, sept agressions sexuelles sur dix se produisent dans une résidence privée, et une majorité de ces agressions est commise contre des victimes de moins de 16 ans.

Ce sont les statistiques troublantes enregistrées par les corps policiers du Québec en 2007, et rendues publiques ce matin lors du dévoilement du deuxième volet de la campagne gouvernementale de sensibilisation aux agressions sexuelles. «J'ai été ébranlée lorsqu'on m'a présenté ces statistiques, a affirmé la ministre de la Justice et procureure générale du Québec, Kathleen Weil, en compagnie de la ministre de la Culture et de la Condition féminine, Christine St-Pierre.

«Ce que je trouve particulièrement troublant, c'est que plus des deux tiers des victimes ont moins de 16 ans. On sait que parmi toutes les victimes, seulement 30% dénoncent leur agression le jour même à la police. Mais chez les jeunes filles, briser le silence prend souvent plus de temps. Ces filles-là doivent vivre plus longtemps dans la détresse», a ajouté Mme Weil.

Autre fait troublant : plus de 8 victimes sur 10 connaissaient l'auteur présumé de leur agression. Dans 28%, il s'agissait d'une connaissance; dans 26%, un membre de la famille immédiate.

Ces statistiques sont au coeur d'une campagne publicitaire lancée cette semaine par le gouvernement. En plus d'une série de publicités télévisuelles insistant sur le fait que la plupart des agressions ont lieu à la maison, le gouvernement a produit un clip vidéo extrêmement touchant, reconstituant le témoignage d'une victime, conçu pour se propager de façon virale sur la Toile. « Nous sommes la seule juridiction à faire cela pour parler d'agressions sexuelles. Lors du premier volet de la campagne, les clips que nous avions produits ont fait le tour du monde », a souligné la ministre Weil.

Le gouvernement a également mis sur pied un site d'information à l'adresse www.AgressionsSexuelles.gouv.qc.ca, où se trouvent toutes les coordonnées des ressources d'aide régionales disponibles pour les victimes. Petite particularité : un bouton bien en vue sur le site permet aux internautes qui le consultent d'effacer toutes traces de leur visite. Un autre «bouton de panique» permet de quitter rapidement le site pour accéder à la page d'accueil de Radio-Canada.

Dès l'automne, une ligne 1-800-AgressionSexuelle devrait également être mise sur pied.

Présentes lors de l'annonce, la directrice du Centre pour les victimes d'agressions sexuelle de Montréal, Debbie Trent, et la porte-parole des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), Karen Myles, ont salué l'initiative du gouvernement. «Nous sommes heureuses de voir que la campagne ne s'adresse pas seulement aux victimes, mais aussi à leur entourage, a déclaré Mme Myles. C'est une bonne chose de déboulonner le fameux mythe de la ruelle, parce qu'il a pour effet de déresponsabiliser les agresseurs.»

Les statistiques policières présentées ce matin sont basées sur 5 166 plaintes enregistrées en 2007 par les services de police de la province. Les infractions sexuelles composaient en 2007 près de 7% de toutes les infractions contre la personne enregistrées dans l'année.