Jugé sous une accusation de harcèlement criminel envers l'Ordre des ingénieurs du Québec, Daniel Bédard, par son attitude désordonnée et irrespectueuse, est en train de montrer au jury qu'il a certains talents pour le harcèlement.

L'homme de 50 ans se défend seul, sans avocat. Depuis le début de son procès, fin avril, il n'en finit plus de faire des esclandres devant le tribunal, interrompant le juge à tout bout de champ pour crier à l'injustice et à la magouille judiciaire. À plusieurs reprises, le juge Richard Mongeau l'a expulsé de la salle d'audience pour le calmer. Mais rien n'y fait. Hier matin encore, exaspéré par les élucubrations de l'accusé, le juge l'a fait sortir par les gardiens. «Monsieur le juge, vous n'avez pas le droit. Je vous mets en état d'arrestation», s'est écrié Bédard. Une dizaine de minutes plus tard, l'audience reprenait et le juge autorisait Bédard à revenir. À nouveau, ce dernier s'est empressé de grimper dans les rideaux, (au figuré, bien sûr). Pendant que le juge parlait, l'accusé tenait des propos nébuleux et invitait les jurés à consulter son site internet intitulé de façon éloquente, «acharnement judiciaire». Le juge Mongeau a alors interrompu la séance pour expulser l'accusé de nouveau.

«Votre carrière à vous est terminée», s'est exclamé Bédard, en brandissant un doigt accusateur vers le juge. Le juge a ensuite expliqué au jury que vu le comportement de l'accusé, ce dernier participerait désormais à son procès à distance, depuis une autre salle, par le truchement d'une télévision en circuit fermé. «J'aurai la manette en main», a expliqué le juge, signifiant que si Bédard se mettait à faire des siennes, il pourrait lui couper le sifflet en appuyant sur un bouton.

C'est ce qui s'est passé en après-midi. Bédard, qu'on pouvait voir à la télévision, interrogeait ses témoins, dont Me Gaétan Bourassa, avocat qui l'a déjà représenté. L'accusé semble en vouloir à tous ceux qui ont touché de près ou de loin à son dossier. Quand il se mettait à déraper ou à s'obstiner, le juge Mongeau passait au mode silencieux. L'accusé se mettait alors à gesticuler, à se moquer, et à faire des mimiques. Le juge a par ailleurs averti Bédard que si cette méthode ne fonctionnait pas, il pourrait mettre fin à sa défense.

Bédard, un spécialiste du dessin industriel qui a déjà fait partie de l'Ordre des technologues du Québec, est accusé d'avoir harcelé l'Ordre des ingénieurs du Québec entre le 1er août 2007 et le 14 novembre de la même année. On lui reproche en fait d'avoir fait quantité d'appels et envoyé des courriels de nature harcelante, même inquiétante à l'occasion.