Le nombre de groupes et de personnes intéressés à participer à l'enquête publique du coroner sur la mort de Fredy Villanueva fond comme neige au soleil.

Sur les 14 «personnes intéressées» dûment inscrites sur la liste du Bureau du coroner fournie à La Presse, il pourrait bien n'en rester que quatre au début de l'enquête le 25 mai prochain à Montréal.

Hier, la Ligue des droits et libertés et la Ligue des Noirs ont fait volte-face. Toutes deux s'étaient engagées à y participer. Or, elles ont annoncé, hier par voie de communiqué, qu'elles se retiraient. Le Mouvement Solidarité Montréal-Nord (MSMN) et la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) songent à faire de même.

Le mois dernier, les parents de Fredy Villanueva, son frère Dany ainsi que les quatre jeunes témoins du drame, soit Denis Meas, Jeffrey Sagor Mettelus, Anthony Clavasquin Yerwood et Jonathan Senatus, ont annoncé qu'ils boycotteraient l'enquête.

Si les deux groupes communautaires MSMN et CRAP leur emboîtent le pas comme ils songent à le faire, il ne restera plus que les avocats des deux policiers impliqués dans la mort du jeune Villanueva, la Ville de Montréal et son service de police (qui comptent pour une personne intéressée) et la Fraternité des policiers de Montréal.

Tous ceux qui se sont désistés réclament plutôt une commission d'enquête publique au mandat plus large sur les événements de Montréal-Nord. «Cette commission devra questionner les pratiques policières dans les quartiers tels que Montréal-Nord, notamment le profilage, l'impunité policière et la lutte aux «gangs de rue», mais elle devra également analyser les actions gouvernementales pour améliorer la situation des habitants des quartiers défavorisés qui sont en fait les victimes d'une exclusion sociale systémique», a expliqué, hier, l'avocat de la Ligue des droits et libertés, Philippe Robert de Massy.

Le mois dernier, lors d'une audience préliminaire de l'enquête du coroner, la Ligue avait déjà présenté une requête en ce sens. Or le juge Robert Sansfaçon, chargé de l'enquête, avait qualifié la requête de «prématurée» sans pour autant en rejeter le contenu.

La Ligue se montre également solidaire de la famille Villanueva et des jeunes témoins de la mort de Fredy Villanueva qui refusent de participer à l'enquête à moins d'avoir des «moyens égaux» à ceux des policiers qui viendront témoigner. Ils voudraient que leurs frais d'avocats soient remboursés par l'État.

Questionné à ce sujet, hier à l'Assemblée nationale, le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, a répété sa position: le gouvernement paiera les frais d'un avocat à la famille Villanueva, même si rien ne l'oblige légalement à le faire.

La Ligue des droits craint que «sans représentation pour les jeunes, les avocats des policiers ne cherchent à les dépeindre de façon très négative afin de justifier l'intervention policière, comme ce fut fait pendant les audiences préliminaires». Même son de cloche du côté de la Ligue des Noirs du Québec.

De son côté, la porte-parole du MSMN, Brunilda Reyes, trouve «très inquiétant» qu'un «organisme crédible» comme la Ligue des droits se désiste. Son groupe, aussi partisan d'une commission d'enquête publique aux objectifs plus larges, se réunira mardi pour décider s'il fera de même. La CRAP est aussi «en réflexion», a dit sa porte-parole, Sophie Sénécal.

Le Bureau du coroner a refusé de commenter ces désistements, hier, se contentant de fournir la liste la plus récente des «personnes intéressées». Tout ministère, organisme, association ou personne qui a un intérêt dans l'enquête pouvait demander au juge Robert Sansfaçon d'obtenir ce statut. Cette enquête vise à déterminer les causes et les circonstances du décès de Fredy Villanueva, 18 ans, tué par balle dans un parc de l'arrondissement de Montréal-Nord lors d'une intervention policière du SPVM le 9 août dernier. La mort du jeune homme a entraîné une manifestation, le lendemain, qui a dégénéré en émeute.