Les groupes de défense des droits de l'homme ont encaissé une autre rebuffade, alors que la Cour suprême du Canada a refusé jeudi de se pencher sur le sort des détenus afghans capturés par les troupes canadiennes dans la région de Kandahar et transférés aux autorités locales.

Certains de ces prisonniers se sont plaints d'avoir été torturés une fois enfermés dans les prisons afghanes.

Amnistie internationale et l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique (BCCLU) ont plaidé que la Charte canadienne des droits et libertés - qui interdit de telles pratiques - s'appliquait à eux.

Dans sa dernière décision, la Cour fédérale avait rejeté cet argument, donnant ainsi raison au gouvernement du Canada. La décision des juges avait alors été justifiée par l'argument selon lequel les détenus ne peuvent invoquer la Charte puisqu'ils n'ont aucun lien légal avec le Canada.

La décision jeudi du plus haut tribunal du pays de ne pas entendre la cause représente donc un second revers pour ces groupes. Anne Sainte-Marie, responsable des communications pour la section francophone d'Amnistie internationale Canada, se désole de cette «fin en queue de poisson».

«L'Afghanistan est encore un pays où l'on torture, (...) les conditions de détention de façon générale sont déplorables et la corruption gangrène le système de justice. Donc, l'impunité de geôliers qui pourraient s'en prendre physiquement à des prisonniers est une réalité qui continue de nous préoccuper», a-t-elle souligné.

Le professeur Amir Attaran, de l'Université d'Ottawa, s'est insurgé de cette décision non seulement«honteuse», mais «dégoûtante» de la part de magistrats qui, à son avis, se «bouchent les oreilles» pour ne pas entendre l'affaire.

«Nous sommes le seul pays, de l'Amérique du Nord ou de l'Europe de l'ouest, qui refuse d'accorder aux prisonniers de guerre à l'étranger le bénéfice des droits humains (...). La Cour suprême a pris une décision qui la placera du mauvais côté de l'histoire», a déploré le professeur.

Comme c'est son habitude, le plus haut tribunal du pays n'a pas justifié sa décision.

Dans la foulée d'enquêtes de divers médias et de rapports sur le sort malheureux des prisonniers en Afghanistan, le gouvernement conservateur avait d'abord nié que des prisonniers aient été torturés. Il a ensuite suspendu temporairement, dans le secret, les transferts de détenus aux autorités afghanes, avant d'annoncer en 2007 la signature d'un accord permettant aux Canadiens d'inspecter les prisons pour s'assurer de leur bon fonctionnement.

Une porte-parole des Forces canadiennes, Mélanie Villeneuve, a indiqué par courriel que le «transfert des détenus aux autorités afghanes est déterminé au cas par cas, en accord avec le droit international».

Pour le professeur Attaran, il ne fait cependant aucun doute que la torture est pratiquée à grande échelle au pays.

«La Commission indépendante pour les droits de la personne en Afghanistan a publié l'an dernier un rapport où l'on révélait que la plupart des détenus dans les prisons afghanes avait subi de la torture. Pas certains, pas quelques uns, mais la plupart», a-t-il rappelé.

«Nous sous-traitons la torture. La Cour le sait, mais elle dit qu'elle ne veut pas l'entendre», a-t-il ajouté.

Les organismes de défense des droits de la personne pourront néanmoins se rabattre sur la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire dont les audiences sur le sujet doivent commencer lundi.