Estimant que Daniel Bédard a suffisamment joui de la clémence des tribunaux jusqu'ici, le juge Richard Mongeau lui a infligé une peine de 54 mois de prison, hier, pour avoir harcelé l'Ordre des ingénieurs du Québec pendant trois mois, en 2007.

«Il n'est plus approprié de faire confiance au délinquant qui démontre de l'agressivité, de la violence et un non-respect total de l'administration de la justice et de ses engagements. Il a épuisé toutes les chances que la justice peut lui accorder», a dit le juge.Ce faisant, le magistrat a balayé la proposition de condamnation avec sursis - en vertu de laquelle le juge réserve le prononcé de la sentence à plus tard - que proposait le procureur de la Couronne, Pierre Labrie. Le juge a trouvé cette suggestion déraisonnable dans les circonstances. Il considère que Bédard est un «délinquant dangereux» qui doit réfléchir à sa dangerosité en milieu carcéral pour une longue période de temps, afin de recevoir les soins médicaux nécessaires.

Au terme d'expertises psychiatriques, l'homme de 50 ans avait été jugé apte à être jugé, mais le juge doute sérieusement de son équilibre mental lorsqu'il n'est pas médicamenté. «Ses problèmes de comportement relèvent d'autres aspects de la santé mentale», a noté le juge. D'ailleurs, au fil des expertises (qui ne concordent pas toujours), il ressort que Bédard souffrirait de psychose paranoïde, ou d'un trouble de la personnalité paranoïaque.

Le sifflet coupé

Bédard a assisté au prononcé de sa peine par le truchement de la vidéoconférence. Il se trouvait dans une autre salle, encadré de deux gardiens, et ce qu'il disait ne pouvait être entendu car le juge avait coupé le son. Cette façon de procéder a été instituée la semaine dernière, en cours de procès, par le juge qui était excédé des écarts de conduite et de langage de l'accusé. Bédard voulait imposer ses propres règles au tribunal. Comme cela ne fonctionnait pas, il rouspétait, s'obstinait, hurlait et jurait. Il lui est aussi arrivé de frapper dans les murs. «Les doigts d'honneur, les signes à la tête et d'autres gestes obscènes, vulgaires et menaçants ont été continuels même à l'égard des jurés après leur verdict», a noté le juge, en rappelant que Bédard avait conclu que le jury avait été «acheté». Quoi qu'il en soit, en cours de procès, son attitude a valu à Bédard quatre citations pour outrage au tribunal.

Dans sa décision, le magistrat rappelle que Bédard a été déclaré coupable de harcèlement à trois reprises depuis 2006, condamnations pour lesquelles il a obtenu trois absolutions conditionnelles. «Daniel Bédard jouit depuis longtemps de la clémence des tribunaux qui tiennent compte de la détention préventive qui lui est imposée pour de multiples raisons, dont ses propres inconduites...»

Dans le présent procès, Bédard, qui a déjà été membre de l'Ordre des technologues du Québec, était accusé d'avoir envoyé de multiples courriels et logé quantité d'appels à l'Ordre des ingénieurs. Cela parce qu'il n'acceptait pas que la plainte qu'il avait portée contre un ingénieur ait été rejetée. La réceptionniste de l'Ordre des ingénieurs le craignait énormément. Bédard doit revenir devant un autre juge aujourd'hui, pour répondre de ses accusations d'outrage au tribunal. Précisons qu'en tenant compte de la détention préventive, comptabilisée en double, c'est une peine de 28 mois qu'il a commencée à purger hier.