La police a effectué mercredi une nouvelle rafle d'envergure contre les Hells Angels et les trafiquants de drogue qui hantent le centre-ville de Montréal.

Cette fois, les enquêteurs avaient pour principales cibles l'ancien chef des Rock Machine, Salvatore Cazzetta, 54 ans, et son acolyte Daniel «Poutine» Leclerc, 40 ans, responsable de la «compagnie» qui contrôle le trafic dans le secteur du boulevard Saint-Laurent. Ces deux motards sont passés dans le camp des Hells Angels au cours des dernières années.

Grâce à ses contacts dans la réserve de Kahnawake, Cazzetta dirigeait un florissant réseau de contrebande de tabac. Il s'approvisionnait auprès de Peter Rice, un homme d'affaires autochtone qui est également associé avec lui dans une compagnie ayant l'exclusivité au Québec de la distribution de la boisson énergisante Cintron, commanditaire de la station de télévision TQS.

Selon la police, Salvatore Cazzetta et ses sbires disposaient à Kahnawake d'un immense entrepôt qui leur servait de lieu de rencontre. Ils y faisaient transiter la drogue, les cigarettes et l'argent sale. Caché parmi les arbres, l'immeuble était protégé par une haute clôture, des portes blindées et des caméras de surveillance.

Cinquantaine d'arrestations

L'opération Machine a permis l'arrestation d'une cinquantaine de personnes liées au trafic de drogue et à la contrebande de tabac partout au Québec. Au fil de l'enquête et des 36 perquisitions de mercredi, les policiers ont saisi 160 000 $ en espèces, 860 roches de crack, 4000 comprimés de méthamphétamine, de la cocaïne, de la marijuana, du haschisch, 34 800 livres de tabac ainsi que 12 armes à feu.

«Assez pour remplir une remorque de 53 pieds», a noté en conférence de presse le commandant Yves Miron, de la division du crime organisé de la police de Montréal. Les enquêteurs ont aussi découvert 11 coffres-forts qu'ils tentaient d'ouvrir en fin de journée mercredi.

Décrit comme l'eldorado des trafiquants québécois - à coup de 2000 roches de crack par semaine, a souligné l'inspecteur Bernard Lamothe, le réseau empochait plus de 2 millions de dollars par année -, le centre-ville de Montréal est un constant sujet de préoccupation pour la police. Depuis le printemps 2006, c'est la quatrième grande opération dirigée contre les Hells Angels et leurs acolytes qui ont la mainmise sur le trafic de drogue dans ce secteur névralgique de la métropole.

Il y a trois ans, les policiers à l'origine des projets Charge/Bromure s'étaient attaqués au Hells Angels Mario Brouillette, du chapitre de Trois-Rivières. Avec l'aide des Syndicates, d'anciens membres de gangs de rue, le motard trifluvien avait pris la relève du chef Nomad Maurice Boucher et de son club des Rockers de Montréal, démantelé en 2001.

Après un coup de balai donné l'an dernier dans le but de ramener le calme dans le secteur de la rue Saint-Hubert, les policiers montréalais ont récidivé lors de l'opération Axe, écartant cette fois le clan des frères Jean et Patrick Lavertue, chargés d'approvisionner en cocaïne des revendeurs du centre-ville liés aux frères Emmanuel et Jean-Ismaël Zéphir. D'après l'enquête, ces deux pionniers des gangs de rue étaient en lien avec les chefs des Syndicates emprisonnés depuis 2006.

Enquête entamée en 2007

Le ratissage de mercredi, auquel ont participé 600 policiers, est le résultat d'une enquête entamée en mars 2007. Cazzetta et Leclerc étaient à la tête de trois cellules distinctes, mais s'entraidaient. Des hommes de confiance s'occupaient de distribuer la drogue et le tabac à des revendeurs dans la grande région de Montréal, ainsi que dans les régions de Québec, Mont-Tremblant et Mont-Laurier.

Incarcéré depuis l'opération SharQc qui a décimé les rangs des Hells Angels à la mi-avril, Salvatore Cazzetta a appris à la prison de Bordeaux les nouvelles accusations qui pèsent sur lui. Quant à Leclerc, il a été appréhendé chez lui, à Candiac. À l'instar de 17 autres prévenus, il a comparu par vidéo au palais de justice de Montréal. Un seul a été mis en liberté provisoire. Les autres personnes arrêtées, dont Peter Rice, 62 ans, et ses fils, Burton, 34 ans, et Peter Francis, 31 ans, ont comparu de même à Longueuil et à Saint-Jérôme. Parmi les suspects, 20 répondent à des accusations d'actes de gangstérisme.

À la suite de l'opération SharQc, Leclerc, des Hells Angels Nomads de l'Ontario, s'était terré un temps avant de reprendre ses activités à Montréal. «À l'instar de Cazzetta et des autres Hells, on le voyait parfois dans des bars ou des restaurants, mais il était loin d'être omniprésent. Il contrôlait ses affaires à distance», a indiqué un officier. Ancien Rock Machine, Leclerc a pris du galon au terme de la guerre des motards.

En 2000, alors qu'il n'était qu'un simple prospect des Rock Machine, Leclerc et sept acolytes avaient été les premiers au Canada à être jugés pour gangstérisme. Trois d'entre eux avaient été reconnus coupables de ce chef d'accusation. Leclerc avait été simplement condamné pour trafic de marijuana. «Je suis content de m'en être sorti, ça valait la peine de se battre, mais je suis déçu pour les autres», avait-il dit en quittant l'enceinte du tribunal.