Un joueur de la Ligue de hockey junior majeur du Québec doit-il consentir de façon «illimitée» à recevoir des coups sur une patinoire, et ce, même s'il refuse de jeter les gants?

Cette question est au coeur du procès criminel d'un hockeyeur accusé de voie de fait armée et de voie de fait causant des lésions. Le procès a commencé jeudi matin à Montréal en chambre de la jeunesse, puisque l'accusé était mineur au moment de l'incident.

L'automne dernier, l'équipe de la LHJMQ pour laquelle jouait l'accusé a disputé un match contre une autre équipe de cette ligue semi-professionnelle à Montréal. Durant la partie, une escarmouche a éclaté entre plusieurs joueurs. L'accusé aurait alors invité à se battre la victime alléguée, un joueur de l'équipe adverse, en lui donnant avec son bâton deux coups sur la poitrine à la manière d'un double-échec. Le jeune homme aurait refusé de laisser tomber les gants. Mais l'accusé lui aurait tout de même asséné «un violent coup de bâton à deux mains dans le visage», a raconté l'arbitre du match, Dominick Bédard, venu témoigner jeudi.

Une ordonnance de non-publication interdit aux médias d'identifier l'accusé et la victime, même si cette dernière était majeure au moment de l'incident. La procureure de la Couronne, Me Ellen Baulne, entend prouver que l'accusé s'est servi de son bâton comme d'une arme pour frapper la victime sans son consentement. Personne ne peut consentir à ce qu'un bâton de hockey serve d'arme sur la patinoire, a dit la procureure.

De son côté, la défense, représentée par Me Richard Shadley et Me Steve Magnan, a souligné la particularité de la LHJMQ, dans laquelle des adolescents de 17 ans jouent aux côtés d'adultes de 20 ans. Un mineur a «moins de maturité» et est «moins responsable de ses gestes», a indiqué Me Shadley. «Ce n'est pas une ligue récréative. Le code du hockey et les règles changent selon que c'est récréatif ou semi-professionnel», a expliqué l'avocat. Les joueurs de la LHJMQ sont rémunérés. Ils jouent 80 parties par an devant 10 000 à 15 000 spectateurs chaque fois, a-t-il ajouté.

La victime a témoigné qu'elle n'avait jamais eu l'intention de se battre. Elle était dans un coin de la patinoire, alors que la mêlée a éclaté près de la ligne bleue. «Je ne voulais pas m'en mêler. J'arrivais tranquillement pour voir si l'un de mes joueurs était en difficulté», a expliqué le jeune homme. Il dit avoir reçu deux coups à la poitrine de la part de l'accusé, qui l'invitait à se battre. «Je suis resté comme une statue sans bouger», a-t-il raconté. C'est à ce moment-là qu'il a reçu le coup de bâton au visage. Sous l'impact, il s'est effondré sur la patinoire. Il est tout de même revenu au jeu le soir même.

Il a eu besoin d'un point de suture près de la bouche et a dû se nourrir de liquide pendant une semaine. Aujourd'hui, certaines dents sont toujours sensibles et sa mâchoire craque, a-t-il fait valoir. Il a porté plainte à la police quelques jours après l'incident. Dans un contre-interrogatoire serré, Me Magnan lui a suggéré qu'il avait porté plainte en raison de la pression de ses parents. Le père de la victime aurait été insatisfait de la suspension de 15 matchs imposée par la LHJMQ à l'accusé, selon l'avocat de la défense. L'accusé a d'ailleurs appelé la victime pour lui offrir ses excuses, cinq jours après l'incident. «J'avais de la difficulté avec sa sincérité», a dit la victime à la cour.

La Couronne a déposé en preuve une vidéo filmée du haut des gradins. «Ce n'est pas une vidéo que j'aime regarder. À chaque fois, ça me donne des frissons», a dit la victime. On y entend une foule bruyante, excitée au moment de l'échauffourée. Les spectateurs sifflent et crient. On y discerne difficilement les joueurs des deux équipes. Lorsque la victime alléguée reçoit le coup de bâton au visage, on la voit tomber sur la patinoire. À ce moment-là, la foule se met à huer copieusement son assaillant. Ce dernier se dirige immédiatement vers le vestiaire sans broncher.

L'arbitre Dominick Bédard a décrit l'accusé comme un hockeyeur rapide «qui ne joue pas sale», mais dont le rôle est de provoquer l'autre équipe pour lui faire prendre des punitions. Ce système de provocation fait partie des règles non écrites du hockey, a reconnu l'arbitre en contre-interrogatoire.

L'accusé et la victime sont accompagnés de leurs parents au tribunal. Le procès reprend aujourd'hui devant le juge Jacques A. Nadeau.

«Les bagarres font partie de la game»

«Les bagarres font partie de la game. Elles ne sont pas juste tolérées dans notre ligue, mais dans la Ligue nationale, aussi.»C'est ce qu'est venu expliquer hier le directeur des opérations hockey de la LHJMQ, Pierre Leduc, au procès criminel du jeune hockeyeur accusé d'avoir commis une voie de fait armée avec son bâton sur la personne d'un autre joueur durant un match, la saison dernière.

«Le hockey est un jeu d'action. Des incidents comme ça peuvent arriver», a témoigné le dirigeant de la LHJMQ, hier, en chambre de la jeunesse à Montréal. L'incident est survenu deux mois après que cette ligue semi-professionnelle eut resserré ses règles concernant les bagarres, a-t-il expliqué à la cour. Bien que les bagarres soient tolérées en général, c'est désormais «tolérance zéro» envers son instigateur ou l'agresseur (dans le cas où l'autre joueur refuse de ce battre), a fait valoir M. Leduc. La notion d'instigateur existait déjà, mais la sanction imposée était moins sévère.

L'accusé dans cette affaire n'a toutefois pas reçu de punition à titre d'instigateur ou d'agresseur et ce, même si sa victime alléguée n'a jamais jeté les gants. Le jeune hockeyeur a plutôt reçu une punition pour bâton élevé et extrême inconduite de partie. Le nouveau comité de discipline de la LHJMQ, formé d'un préfet et de quatre conseillers, dont M. Leduc, s'est ensuite réuni et lui a imposé une suspension de 15 matchs. «Il y a 10 ans, il aurait reçu une suspension d'un match ou deux pour le même geste. Dans ce dossier, la ligue a pris ses responsabilités», a-t-il assuré.

Les bagarres ont diminué de 50% la saison dernière, première année du durcissement des règles. Il y a en moyenne une demi-bagarre par match, a fait valoir le directeur des opérations de la LHJMQ.

Les récents épisodes de violence au hockey

Décembre 2008

Don Sanderson, joueur d'une ligue senior ontarienne, est mort à la suite d'une bagarre. Lorsqu'il est tombé, sa tête a heurté la glace. Le hockeyeur de 21 ans avait perdu son casque protecteur pendant l'incident.

Mars 2008

Le gardien de but Jonathan Roy a choqué tout le Québec en ruant de coups son vis-à-vis des Saguenéens de Chicoutimi, Bobby Nadeau. Le procès du joueur des Remparts de Québec, qui fait l'objet d'une accusation de voies de fait, aura lieu les 13 et 14 juillet.

Mars 2004

Todd Bertuzzi, des Canucks de Vancouver, a asséné un violent coup de poing à la tête de Steve Moore, de l'Avalanche du Colorado, avant de s'affaisser de tout son poids sur la jeune recrue. Après avoir subi des fractures aux vertèbres cervicales, une commotion cérébrale et des lacérations au visage, Moore n'a plus jamais rejoué dans la Ligue nationale. Bertuzzi a été suspendu pour le reste de la saison et a plaidé coupable à une accusation de voies de fait.

Avril 2002

Richard Zednik, à l'époque où il portait les couleurs du Canadien, a été frappé à la tête par le défenseur Kyle McLaren, des Bruins de Boston. L'attaquant a souffert d'une violente commotion cérébrale, d'une fracture du nez et de blessures à la gorge.

Février 2000

Le défenseur des Bruins Marty McSorley a balancé un coup de bâton à la tête de Donald Brashear, des Canucks de Vancouver, après avoir perdu une bataille contre lui un peu plus tôt dans la partie. McSorley a été accusé de voie de fait et a écopé de 18 mois de probation.

Janvier 1988

L'attaquant Dino Ciccarelli, des défunts North Stars du Minnesota, a passé une journée en prison après avoir frappé plusieurs fois à la tête le défenseur des Maple Leafs Luke Richardson avec son bâton.