Fredy Villanueva se trouvait à une quinzaine de pouces de l'arme du policier Jean-Loup Lapointe quand celui-ci a fait feu sur lui, peu après 19h00, le soir du 9 août 2008, dans un parc de Montréal-Nord.

C'est ce qu'indique un rapport d'analyse présenté mardi au palais de justice de Montréal, devant le coroner ad hoc André Perreault. Le sergent-détective Bruno Duchesne, enquêteur principal de la Sûreté du Québec (SQ) dans ce dossier, poursuivait alors son témoignage.

Les différents documents et déclarations évoqués en cour semblent indiquer que les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte avaient interpellé Dany Villanueva - le frère de Fredy -, qui contrevenait apparemment à des conditions que la Cour lui avait imposées, et qu'ils essayaient de l'immobiliser quand le policier Lapointe et lui se sont retrouvés par terre.

C'est à ce moment que Fredy Villanueva aurait tenté de prêter main-forte à son frère.

Il est vraisemblablement le seul à l'avoir fait. Il aurait eu la main gauche presque au sol et la main droite en l'air quand il a été atteint de trois projectiles. Son corps portait des marques de brûlures d'arme à feu, selon le sergent-détective Duchesne.

L'hypothèse de départ de la SQ, transmise par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), voulait qu'au moins un des jeunes en cause ait étranglé l'agent Lapointe. Or, ce dernier a subi un examen médical dans les heures suivant l'incident et on ne lui a constaté aucune blessure au cou.

Par ailleurs, on connaissait déjà le passé chargé de Dany Villanueva, mais on n'a appris que mardi que l'Agence des services frontaliers du Canada s'intéressait à son cas.

Celle-ci a contacté la SQ le 15 août 2008 afin d'obtenir la confirmation que le jeune homme dont il était question dans les médias était bien le même que celui au sujet de qui elle conservait un dossier. Originaire du Honduras, Dany Villanueva était résident permanent et non citoyen canadien.

Il est toujours devant les tribunaux pour une affaire de vol qualifié survenue en juin 2008, et avait déjà été condamné à 11 mois de détention pour une précédente affaire semblable. La Couronne songe aussi à porter des accusations contre lui pour une troisième affaire de moindre importance.

Un traitement de faveur pour les policiers?

Les avocats du camp policier ont d'autre part voulu rétablir mardi la crédibilité de l'enquête de la SQ, mise à mal lundi par Me Alain Arsenault, l'avocat de Jeffrey Sagor Metellus, l'un des deux jeunes blessés dans l'incident. Ils ont également voulu démontrer que les agents de la paix ne bénéficient d'aucun traitement de faveur devant l'appareil judiciaire.

En contre-interrogeant Bruno Duchesne, l'avocat de la Fraternité des policiers de Montréal, Michael Stober, lui a fait confirmer que tout témoin ou suspect, civil ou policier, a le droit de refuser de répondre aux questions.

M. Duchesne a aussi souligné que «dans la majorité des cas», on rencontre les suspects à la fin d'une enquête, et qu'il n'avait pas de raison, dans la présente affaire, de s'éloigner de cette habitude.

De plus, Me Stober a fait dire à Bruno Duchesne que rien ne le forçait à séparer les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte, comme son équipe l'avait fait pour les autres témoins, puisqu'il ne souhaitait pas les interroger dans les heures suivant la mort de Fredy Villanueva. Il n'aurait vraisemblablement pas pu les isoler l'un de l'autre pendant des jours, voire des semaines.

Le procureur de la Ville de Montréal et du SPVM, Pierre Yves Boisvert, a ensuite souligné qu'un rapport doit impérativement être soumis à la Couronne dans toute enquête qui vise un policier, ce que M. Duchesne a confirmé. C'est le cas même si l'enquêteur estime qu'aucune accusation ne devrait être portée.

Or, il semble que ce ne soit pas vrai dans le cas d'une enquête visant un civil. La police peut elle-même fermer le dossier.

Me Boisvert a ainsi voulu démontrer que non seulement les policiers ne jouissent pas d'un traitement de faveur, ils ont encore plus l'obligation de montrer patte blanche.

Répondant plus tard à Alexandre Popovic, de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), Bruno Duchesne a assuré qu'il n'a «aucun préjugé favorable» envers les policiers. Il a cependant réitéré être d'avis qu'on peut, de par leur fonction, «présumer qu'ils sont honnêtes».