Accusé en marge de la toute première cause au Canada de vente de graines de cannabis par internet, Richard Hratch Baghdadlian pourrait se retrouver derrière les barreaux, ou purger une peine dans la communauté. Le juge Jean-Pierre Boyer, de la Cour du Québec, en décidera le 25 février prochain.

Estimant qu'il s'agit d'un crime grave et qu'il faut envoyer un message clair à tous ceux qui seraient tentés d'imiter l'accusé, Me François Blanchette, de la poursuite, demande un emprisonnement de cinq ans, tandis qu'en défense, Me Loris Cavaliere, trouve qu'une peine avec sursis serait suffisante. D'autant, a-t-il fait valoir, que Baghdadlian s'est fait saisir près de 700 000 $ en biens, dont trois lingots d'or, et qu'il a encore le fisc à ses trousses. Celui-ci lui réclame un peu plus de 300 000 $.

Dans une brève déposition faite hier, devant le tribunal, Baghdadlian, 41 ans, a soutenu qu'il ne savait pas qu'il enfreignait la loi quand il a mis sur pied ce prolifique commerce virtuel qui lui a permis de vendre partout dans le monde - en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Europe, au Canada et surtout aux États-Unis - une vaste gamme de semences permettant de faire pousser du cannabis. Sur son site principal, Heaven's Stairway, aujourd'hui sous le contrôle de la GRC, il se définissait comme le «fournisseur-conseil» par excellence en Amérique du Nord pour la production intérieure et extérieure de marijuana!

Encore aujourd'hui, même s'il y a déjà un certain temps qu'il s'est reconnu coupable, Baghdadlian a peine à croire qu'il pourrait aller en prison. «Comment le blâmer?» a plaidé Me Cavaliere, en rappelant que son client avait obtenu le feu vert des Douanes canadiennes, à son retour d'Amsterdam, où il a acheté ses premiers stocks de graines, au milieu des années 90. «Le douanier a dit que l'ensemencement était prohibé, mais pas le produit comme tel. Mais c'était une erreur d'interprétation», a-t-il indiqué.

Dans l'esprit du procureur de la Couronne, il n'y a pas le moindre doute que Baghdadlian « tente de minimiser l'importance de ses gestes avoués », et qu'il savait très bien que son commerce d'import-export de graines de cannabis était illégal. À preuve, que ce soit au registre des entreprises ou sur les sites internet, on ne retrouve nulle part l'adresse personnelle de l'accusé ou celle du duplex de la rue Marsan, dans le nord de Montréal, où les semences étaient entreposées et ensachées par des membres de sa famille.

«C'était une organisation technique et technologique impressionnante, et sophistiquée», a souligné Me Blanchette, en rappelant que l'accusé disposait de sept sites internet et que le paiement des clients aboutissait électroniquement chez un ami de Baghdadlian, en Angleterre. En «éventrant» l'ordinateur, les enquêteurs ont dénombré 36 583 transactions, entre mars 2000 et septembre 2005. Tous ces achats en devises américaines équivalent à quelque 3,7 millions $ canadiens.

Autre signe manifeste que l'accusé était conscient de ce qu'il faisait : en apprenant que la GRC s'intéressait à son site internet, il a tout mis en oeuvre pour faire disparaître l'équipement et les 200 000 graines de cannabis qu'il gardait dans son «laboratoire» de la rue Marsan. Aux aguets, les enquêteurs se sont précipités sur les lieux en pleine nuit afin de tout saisir et d'arrêter Baghdadlian et ses comparses. Ceux-ci ont déjà plaidé coupables et reçu leur sentence. Il s'agit pour la plupart de peines avec sursis, assorties de fortes amendes. Devant le tribunal, Me Blanchette a parlé d'un total de 89 000 $.