Le psychiatre Pierre Mailloux a été déclaré coupable par le Collège des médecins de 14 infractions déontologiques relatives à des diagnostics hâtifs ou erronés et à des prescriptions intempestives de médicaments.

Ces infractions concernent 14 patients, dont 10 enfants, qui ont été vus ou suivis par le Dr Mailloux entre 2002 et 2007. Parmi les infractions, on note une condamnation pour avoir réclamé 300$ l'heure à une patiente pour des consultations à son cabinet, entre mars et juillet 2006, alors qu'il était rémunéré par la Régie de l'assurance maladie.Pierre Mailloux, qui se représentait lui-même dans cette affaire, soutenait avoir travaillé dans les règles de l'art et se disait victime de vengeance de la part du Collège des médecins. Le plus médiatique des psychiatres est d'ailleurs à couteaux tirés avec le Collège depuis un bon moment.

En l'occurrence, ce sont des médecins qui ont alerté le syndic au sujet du travail du Dr Mailloux. En avril 2007, le pédopsychiatre François Maranda avait envoyé au syndic une lettre dans laquelle il signalait qu'il avait dû, avec deux collègues, prendre en charge des patients du Dr Mailloux.

«Nous voulons signaler à votre attention ce qui apparaît comme un manque de rigueur dans l'établissement du diagnostic de ses patients. Le diagnostic porté nous est apparu comme étant le plus souvent erroné. L'utilisation «hors norme» de la médication dans le traitement de ces mêmes patients nous laisse à tout le moins perplexes», pouvait-on lire dans cette lettre, qui était accompagnée du nom de 14 patients enfants.

Le syndic avait alors soumis ces dossiers à l'examen de deux autres pédopsychiatres, Diane Sauriol et Martin Gignac. Après que ces médecins eurent fait leurs rapports, les plaintes pour 10 de ces patients ont été portées contre le Dr Mailloux. Il y a eu aussi des patients adultes. Les audiences se sont déroulées pendant 11 jours, en mai et juin derniers. Pierre Mailloux n'a présenté aucun expert pour sa défense, mais il s'est expliqué sur chacun des cas. Ses explications n'ont manifestement pas convaincu le comité de discipline.

Erreurs de diagnostic

Selon le jugement, qui s'étend sur 73 pages, le «Doc Mailloux» était prompt à rendre des diagnostics de trouble psychotique chez plusieurs jeunes patients, alors que les cas relevaient plutôt d'un déficit de l'attention, notamment. À titre d'exemple, pour une fillette de 6 ans qui avait de nombreuses peurs, se parlait à elle-même ainsi qu'à sa poupée et faisait des bruits de bouche à l'école, le Dr Mailloux avait conclu à «un tableau clinique compatible avec un trouble psychotique» et avait prescrit du Seroquel, qui a provoqué de la somnolence et des problèmes de coordination. Selon le comité de discipline, le Dr Mailloux a posé le «pire diagnostic de façon hâtive au début de son traitement au lieu de procéder selon les normes reconnues en débutant par les diagnostics moins sévères, quitte à les remettre en question ultérieurement».

La médication a été jugée intempestive et inadéquate. Il en va de même pour les autres patients, même si les histoires de cas diffèrent. Selon le jugement, dans certains cas, les médicaments prescrits amenaient des effets secondaires importants et auraient même pu être dangereux.

Un des patients adultes a porté plainte contre le Dr Mailloux pour erreur de diagnostic et surdose de médicaments. Il a été suivi du mois d'août 2004 au mois de septembre 2006. Il avait déjà reçu un diagnostic de maladie bipolaire. Sa mère, un de ses oncles et de ses tantes sont bipolaires. Le Dr Mailloux lui aurait dit que les autres psychiatres se trompaient, qu'il souffrait plutôt de schizophrénie, et il lui a changé sa médication. L'homme a eu de nombreux effets indésirables (perte de vue, tremblements...). Il raconte qu'il a perdu les pédales, et s'est mis à dépenser de façon inconsidérée en phase maniaque. Après qu'il eut perdu toutes ses économies (de 15 000 à 20 000$), «il (Dr Mailloux) m'a dit que c'était bien parfait, qu'ainsi je ne pourrais plus faire de conneries». Le médecin lui aurait ensuite prescrit des doses massives de Seroquel (1500 g par jour), au point que le pharmacien n'était pas d'accord et disait qu'il s'agissait de «doses de cheval».

«Ce psychiatre est très jovial et affable... C'est un homme passionné, persévérant et entêté. Mais l'entêtement n'est pas nécessairement une qualité recherchée en toutes circonstances», a noté le patient.

Le Dr Mailloux doit retourner devant le comité de discipline pour les plaidoiries sur la sanction. L'interdiction de pratiquer la psychiatrie auprès des enfants et des adolescents, qui lui a été imposée le 18 avril 2008, reste en vigueur en attendant. La Presse n'a pas été en mesure de joindre le Dr Mailloux, hier, pour obtenir ses commentaires.