L'octogénaire agressée par un adolescent à Saint-Laurent a surmonté sa peur, hier, et est venue témoigner au procès de son présumé agresseur, accusé de voies de fait causant des lésions.

«Je suis venue témoigner parce que je ne voudrais pas que ça arrive à d'autres. Quand on est une personne âgée comme moi, on ne peut pas se défendre», a dit à La Presse la minuscule vieille dame, presque totalement sourde et qui se déplace à l'aide d'une canne, à sa sortie de la salle d'audience.

 

L'adolescent lui aurait donné un coup de poing au visage après qu'elle lui eut demandé d'être «plus doux» avec son chien. Les médias ne peuvent révéler le nom du jeune homme puisqu'il est mineur. La victime a également demandé à La Presse de taire son nom par «crainte de représailles».

La grand-maman, trop faible pour rester debout devant le juge Guy Lecompte, a dû témoigner assise. La procureure de la Couronne, Me Karen Ohayon, devait pratiquement crier pour que la victime entende ses questions.

Le 15 octobre dernier, l'octogénaire revenait de faire ses courses. Rue Gohier, un chiot sans laisse, style boxer ou pitbull - elle ne sait pas la différence - est venu vers elle. «Je me suis mise à lui parler. J'aime parler aux chiens et aux chats», a-t-elle raconté au juge.

Puis le chien est retourné vers son maître, un jeune de moins de 20 ans, noir, grand et mince, vêtu d'un chandail ample à capuchon, a-t-elle décrit. L'ado a alors «lancé le chien dans la rue», selon l'octogénaire. C'est là qu'elle lui a dit d'être «plus doux» avec son chien.

L'ado aurait répliqué en lui donnant un coup de poing au visage. «Ça s'est passé très vite. L'instant suivant, j'étais allongée par terre. Mon panier d'épicerie a freiné ma chute», a-t-elle expliqué avec un certain aplomb. La grand-maman a brièvement perdu conscience. Sa voisine, Linda Brabant, témoin de la scène, est venue lui porter secours. «Il l'a frappée avec son poing. C'était sauvage, pas à peu près», a affirmé cette dernière au juge.

Le présumé agresseur, lui, a fui les lieux. Il a été arrêté l'après-midi même, chez lui, rue Gohier. Il n'a pas résisté à son arrestation. Il y avait deux chiens dans le logement, dont un pitbull, selon l'agent Paul Atalah, de la police de Montréal, qui a aussi témoigné.

L'octogénaire a été transportée à l'hôpital, où elle a obtenu son congé le jour même. «À l'hôpital, j'étais désorientée, comme dans un twilight zone», a-t-elle souligné au juge. À l'exception d'un doigt disloqué et de quelques ecchymoses au visage, elle n'a rien.

«Ce sont vos seules blessures?» lui a demandé l'avocate de la défense, Michelle Robidoux, en contre-interrogatoire. «Et ma fierté», a répondu l'octogénaire du tac au tac. Elle dit avoir été «traumatisée» par l'agression. Hier, plusieurs membres de sa famille l'accompagnaient en cour.

L'adolescent est demeuré détenu à l'issue de l'enquête sur sa mise en liberté. Assis aux côtés de son avocate durant l'audience, le jeune homme au look hip-hop n'a pas réagi durant le témoignage de la victime.

À la fin du contre-interrogatoire, l'octogénaire a spontanément tendu la main à l'avocate de la défense pour la remercier. Puis elle a fait la même chose avec la procureure de la Couronne et le policier responsable de l'enquête avant de quitter la salle. La Couronne poursuivra sa preuve le 30 novembre.