Aux restaurateurs inquiets de la baisse du taux d'alcoolémie toléré de 0,08 à 0,05, la ministre des Transports, Julie Boulet, réplique que ceux des autres provinces canadiennes ont «survécu» à une telle mesure. Et selon elle, environ 45 décès par année seraient évités sur les routes du Québec grâce à cette décision.

En conférence de presse, Julie Boulet a confirmé qu'un projet de loi sera déposé à l'Assemblée nationale cette semaine afin de mettre en oeuvre quelques-unes des 27 recommandations contenues dans le rapport de la Table québécoise de la sécurité routière rendu public hier.

 

Par exemple, le gouvernement Charest veut suspendre pendant 24 heures le permis de conduire d'un automobiliste qui dépasse la limite, nouvelle, de 0,05 gramme d'alcool par 100 ml de sang - l'équivalent de deux verres. Comme la Table sur la sécurité routière, il a écarté l'idée de saisir le véhicule durant la même période ou d'imposer une amende et des points d'inaptitude.

Selon Julie Boulet, «le 0,05 a un effet dissuasif sur toute la population. De façon générale, tout le monde consomme moins quand cette mesure est en vigueur. Le message est clair: quand on boit, on ne conduit pas».

Des sanctions administratives dès 0,05 existent dans les autres provinces canadiennes; depuis 1981 en Ontario. Au-delà de 0,08, il s'agit d'une infraction criminelle. Quatre-vingt-huit pays imposent des sanctions à compter de 0,05. L'Association des restaurateurs du Québec, qui compte 4200 membres, s'oppose à la mesure. Selon son vice-président aux affaires publiques et gouvernementales, François Meunier, Julie Boulet «pénalisera toute une partie de la population qui boit de façon responsable et modérée». Elle devrait s'attaquer au «vrai problème de l'alcool au volant», les récidivistes et les conducteurs qui dépassent le taux de 0,08.

Les consommateurs éviteront de prendre un verre au restaurant «de peur d'être traités comme des criminels en puissance». Les recettes des restaurants diminueront, ajoute M. Meunier.

«On savait que les restaurateurs auraient certaines réticences, a répliqué Julie Boulet. Mais dans les autres provinces, les restaurateurs on survécu à la mesure. (...) Les gens vont apprendre à se véhiculer d'une autre façon, avec un service de raccompagnement, un taxi, un chauffeur désigné.»

Le président de la Table de la sécurité routière, Jean-Marie De Koninck, a plaidé que le risque d'être impliqué dans un accident mortel est cinq fois plus élevé si le taux d'alcoolémie du conducteur se situe entre 0,05 et 0,08. Selon lui, les effets de l'alcool se font sentir à partir de 0,02 mais sont très importants à 0,05. «Autrement dit, un verre, ça commence à vous affecter, mais deux verres, ça vous affecte de façon significative», a affirmé le fondateur d'Opération Nez rouge.

Julie Boulet dit avoir «déjà fait beaucoup» contre les récidivistes, avec des sanctions plus sévères dans une loi adoptée en 2007. Cette année-là, alors que le gouvernement était minoritaire, l'opposition avait rejeté une nouvelle limite à 0,05, qui n'était pas recommandée alors par la Table comme elle le faisait remarquer.

Julie Boulet espère rallier l'opposition cette fois. Ailleurs, «le 0,05 a permis de sauver des vies. On parle d'une diminution des décès de 8%. On pourrait sauver jusqu'à 45 personnes par année».

Dans son projet de loi, Julie Boulet proposera une politique de «tolérance zéro» pour l'alcool au volant chez les automobilistes de 21 ans et moins. À l'heure actuelle, il est interdit pour les conducteurs de moins de 19 ans d'avoir de l'alcool dans le sang. Ils détiennent soit un permis d'apprenti soit un permis probatoire qui interdisent totalement l'alcool au volant.

«Peut-être que dans un deuxième temps, il faudra aller plus loin», jusqu'à 25 ans, a noté Julie Boulet. Mais pour le moment, «on a ciblé la catégorie la plus à risque. Chez les 20-21 ans, c'est 54% des décès sur la route qui sont liés à l'alcool. Les 22-24 ans, c'est 47%.»

Julie Boulet veut imposer des sanctions plus sévères contre les courses de rue et le car surfing. Les amendes s'élèveraient de 1000$ à 1500$ - plutôt qu'un maximum de 600$ à l'heure actuelle. Le permis de conduire serait suspendu et le véhicule saisi pendant 7 jours - 30 jours en cas de récidive. Une telle infraction coûterait également six points d'inaptitude.

 

TROIS MESURES PROPOSÉES PAR JULIE BOULET

Ces mesures sont inspirées des recommandations de la Table québécoise de la sécurité routière:

> Suspension administrative du permis de conduire pendant 24 heures si un automobiliste dépasse le taux d'alcoolémie de 0,05 gramme par 100 ml de sang.

> Tolérance zéro pour l'alcool au volant chez les 21 ans et moins.

> Sanctions plus sévères contre les courses de rue et le car surfing: six points d'inaptitude, amendes de 1000$ à 1500$, suspension du permis et saisie du véhicule pendant 7 jours (30 jours pour une récidive).