La police vient tout juste de confirmer ce que plusieurs savaient déjà: le corps de l'homme retrouvé hier dans un boisé de l'arrondissement Lasalle est bel et bien celui de Mohammed Nehar-Belaid, 64 ans, ce chauffeur de taxi qui était porté disparu depuis dimanche.

Des enquêteurs de la section des crimes majeurs avaient rencontré hier la femme de Mohammed Nehar-Belaid pour lui dire de s'attendre au pire, puisque les vêtements de l'homme trouvé mort correspondent à ceux du chauffeur de taxi.

La victime de ce 29ème homicide de l'année sur le territoire montréalais, un père de famille de l'arrondissement Saint-Laurent, a été vu la dernière fois en vie dimanche soir vers 21h30 en quittant sa maison pour débuter son quart de travail. Il aurait répondu à un appel pour aller chercher un client à proximité de son stand dans le secteur de Côte-Vertu. Cette course devait le mener à Verdun.

La police de Montréal recherche toujours un témoin important pour éclaircir la disparition. Dans la nuit de dimanche à lundi, un homme a été vu à bord de la voiture de Mohammed Nehar-Belaid dans une station-service de Verdun. Sous l'oeil d'une caméra de surveillance, il a fait le plein avec la carte de crédit du disparu vers 2h20.

La Ford Taurus 2005 du chauffeur de taxi vient tout juste d'être retrouvée sur l'avenue Clanranald à Côte-St-Luc, près de l'hippodrome.

Risques du métier

Au lendemain de la découverte du corps d'un homme qui serait celui d'un chauffeur de taxi disparu depuis dimanche, des collègues de la victime évoquent les risques du métier. Vulnérable. C'est le mot qui nous vient à l'esprit en écoutant plusieurs chauffeurs de taxi interrogés ce matin pour nous parler de leur travail.

Dans le stationnement d'un centre commercial du secteur Côte-Vertu dans l'arrondissement Saint-Laurent, le nom de Mohammed Nehar-Belaid est sur toutes les lèvres. Avant sa mystérieuse disparition dimanche soir, l'homme de 64 ans, à l'emploi de la compagnie de taxi Champlain, garait sa Ford Taurus dans le stand emménagé entre le supermarché et la station de métro.

Comme à chaque fois, l'agression sauvage perpétrée contre un chauffeur de taxi secoue bon nombre des 4500 individus qui gagnent leur vie derrière un volant. À commencer par ceux qui côtoyaient la victime au quotidien. «C'était (M. Nehar-Belaid) un monsieur gentil, très très gentil. C'est un quartier très dangereux ici, fréquenté par les gangs de rue. Un autre chauffeur de taxi a été attaqué près du métro il y a deux mois», raconte Nazem Noun.

Mohammed Nehar-Belaid, un père de quatre enfants de l'arrondissement Saint-Laurent, travaillait pour la compagnie Champlain depuis quelques mois seulement. Mais auparavant, il avait travaillé 15 ans pour une autre compagnie, depuis son arrivée au pays. «Moi je ne me suis jamais fait attaqué, mais je ne fais jamais du taxi la nuit, c'est trop dangereux!», lance Nazem Noun.

Selon lui, M. Nehar-Belaid a reçu un appel dimanche soir pour aller cueillir un homme dans un centre commercial à proximité, afin de le conduire à Verdun. La victime n'a jamais été revue et son collègue ignore si son agresseur est l'individu qui a demandé le taxi au centre commercial ou une tierce personne. «Je pense qu'il y a eu une chicane, parce qu'on m'a dit que l'agresseur se trouvait à l'extérieur de la voiture lorsqu'il a poignardé Mohammed», ajoute M. Noun.

La police de Montréal recherche toujours un témoin important pour éclaircir la disparition. Dans la nuit de dimanche à lundi, un homme a été vu à bord de la voiture de Mohammed Nehar-Belaid dans une station-service de Verdun. Sous l'oeil d'une caméra de surveillance, il a fait le plein avec la carte de crédit du disparu vers 2h20.

La Ford Taurus 2005 du chauffeur de taxi vient tout juste d'être retrouvée sur l'avenue Clanranald à Côte-St-Luc, près de l'hippodrome.

Peu d'argent

Stone Rivert est chauffeur depuis 35 ans. Un vieux de la vieille dans l'industrie. Pour lui, il ne fait aucun doute : être chauffeur de taxi est un métier de plus en plus risqué. Il s'explique d'ailleurs toujours mal les agressions contre un des siens. «Les gens pensent qu'on a de l'argent, mais une fois qu'on paie le taxi et l'essence, il ne nous reste presque rien», explique M. Rivert, selon qui les vols et prises de bec avec les clients font partie du quotidien. «Si une personne refuse de payer, on s'engueule et si une plainte est déposée au bureau du taxi, c'est le chauffeur qui va payer. Ça arrive souvent», déplore M. Rivert.

Parmi les mesures régulièrement évoquées pour augmenter la sécurité des chauffeurs de taxi, la fameuse vitre érigée entre le conducteur et le passager n'est, à son avis, pas idéale. «La plupart des chauffeurs n'ont pas d'autres voitures. Je ne veux pas que mes enfants soient séparés de moi par une barrière de sécurité», explique Stone Rivert.

Les conducteurs de taxi rencontrés se réjouissent cependant de l'installation en cours d'un système GPS à bord, permettant de retracer en temps réel les voitures sur la route.

Un peu plus loin, Naman Aimar vient garer sa voiture, sous une pluie battante. Le jeune homme amorce à peine sa carrière de chauffeur de taxi. Depuis un mois et demi exactement. Il admet être ébranlé par le meurtre sordide d'un collègue. «Je n'en ai pas parlé à ma femme, sinon elle va s'inquiéter», confie M. Aimar.

Pour Shilb Rachid, les agressions sont plus fréquentes en période de récession...et à l'approche des fêtes. «Les gens cherchent de l'argent», justifie-t-il.

Un son de cloche partagé par le patron de Mohammed Nehar-Belaid, joint hier. «Les agressions contre des chauffeurs de taxi, ce n'est pas nouveau, a souligné le président de la compagnie de taxi Champlain, Grégoire Sitaras. Mais en période de récession, ils deviennent des cibles faciles.»

Liste noire

L'assassinat de Mohammed Nehar-Belaid allonge la liste noire des agressions commises contre les chauffeurs de taxi au cours des derniers mois. En février, deux chauffeurs avaient été sauvagement agressés dans le quartier Petite-Bourgogne. L'un d'eux a été plongé dans le coma après avoir été poignardé à la gorge durant un vol. En juin, un chauffeur de 48 ans s'est fait poignarder par une passagère dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Cette dernière agression avait motivé les autorités à lancer une campagne de sensibilisation pour convaincre les 4500 chauffeurs de taxi montréalais de faire preuve de vigilance. D'après le Bureau du taxi, les agressions commises contre les chauffeurs de taxi auraient diminué de moitié depuis l'an 2000. Environ une soixantaine de vols avec violence contre des chauffeurs de taxi sont répertoriés chaque année à Montréal. Dans un rapport du Bureau du taxi attendu en début d'année, plusieurs mesures seront recommandées pour diminuer le nombre d'infractions. «On va suggérer l'intégration de systèmes GPS reliés à la centrale 911, des boutons de panique, l'introduction de caméras de surveillance et une lumière qui va clignoter sur le véhicule lorsque le chauffeur va l'activer», énumère l'assistant-directeur du Bureau du taxi, Richard Boyer. «On va continuer à encourager le paiement par cartes de crédit ou de débit, mais actuellement, on ne peut pas penser éliminer l'argent comme dans le transport en commun», ajoute M. Boyer.

Du côté policier, les enquêteurs ont rencontré hier la femme de Mohammed Nehar-Belaid, selon le frère de cette dernière, Mohammed Boukalba. Ils lui ont dit de s'attendre au pire, puisque les vêtements de l'homme trouvé mort correspondent à ceux de Mohammed Nehar-Belaid.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n'avait toujours pas confirmé l'identité de la victime au moment d'envoyer ces lignes.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

La Ford Taurus 2005 du chauffeur de taxi a été retrouvée ce midi sur l'avenue Clanranald à Côte-St-Luc, près de l'hippodrome.