Les derniers psychiatres qui ont évalué Daniel Bédard, en 2008, avaient conclu qu'il était apte mentalement à subir un procès. Il en a eu trois depuis. Chaque fois, il a pété les plombs. Maintenant, les psychiatres devront réévaluer Bédard pour déterminer s'il doit être déclaré délinquant dangereux ou délinquant à contrôler.

C'est la demande que la procureure de la Couronne Josée Lemieux a adressée au juge Claude Champagne, hier, juste après qu'un jury eut déclaré l'homme de 52 ans coupable de menaces envers un procureur de la Couronne. «Il est incapable de maîtriser ses pulsions», a fait valoir Me Lemieux.

 

Après réflexion, le juge Champagne a accepté. «Tout au long du procès, il a menacé tout un chacun», a noté le magistrat, avant d'ajouter qu'il avait fait de même avec d'autres juges auparavant. Bédard est donc parti à l'institut Philippe-Pinel pour une évaluation qui doit durer 60 jours. Un délinquant à contrôler est sous la surveillance de l'État pendant 10 ans après sa sortie de prison. Un délinquant dangereux est emprisonné sans limite de temps, et sa libération est tributaire d'évaluations périodiques.

Bédard n'a jamais tué ni blessé personne mais, depuis cinq ans, ce dessinateur en bâtiments accumule les procès pour harcèlement et menaces. Il a été accusé 13 fois en lien avec ce genre de chose. L'Ordre des technologues, l'Ordre des ingénieurs et le Conseil de presse, entre autres, ont subi ses foudres verbales et ses avalanches de courriels.

Habituellement, il se défend seul, parce qu'il se considère comme plus intelligent, plus intègre et plus savant que tout le monde et ne fait confiance à personne. Mais au cours des procès, il mélange un tas de choses, refuse de suivre les règles, crie à la corruption, injurie, menace, se débat quand les agents veulent le faire sortir. Tant et si bien que, depuis l'année dernière, il faut deux salles d'audience pour le juger: l'une où se déroule l'instance, et l'autre où on l'envoie quand il s'énerve. Il participe alors à son procès par télévision en circuit fermé. Quand il se met à crier, le juge coupe le son.

Easton imprimé dans le front

Dans le dernier procès, Bédard était accusé d'avoir menacé le procureur de la Couronne Jacques Rouillier. Les incidents s'étaient produits le matin du 29 avril 2009, dans le cadre d'un procès pour harcèlement envers l'Ordre des ingénieurs. Me Rouillier représentait le ministère public dans cette affaire. Ce matin-là, Bédard avait apostrophé le procureur dans le corridor, l'avait suivi en l'invectivant puis lui avait dit, en se mettant très proche de son visage: «M'as t'en crisser une.» Ce n'était pas la première fois que Bédard s'emportait. Mais ce matin-là, Me Rouillier a trouvé que la coupe était pleine. Il a porté plainte. Bédard a été arrêté sur-le-champ et emmené dans une cellule du palais de justice.

Dans la cellule, Bédard en a rajouté. Entre deux jurons et trois insultes, il a menacé le procureur de lui «étamper» la marque d'une batte de baseball (Easton) dans le front. Il savait qu'il était filmé, car il s'adressait directement à la caméra en criant. Des extraits de l'enregistrement ont été montrés au jury. Celui-ci a rendu, hier matin, un verdict de culpabilité.

Bédard, qui s'exprime avec aisance, semblait bien réussir sa vie jusqu'à ce que tout bascule, il y a sept ou huit ans. Un divorce n'aurait pas aidé. Mais c'est un désaccord avec un ingénieur au sujet d'un plan qui aurait déclenché sa furie, devenue depuis irrépressible et généralisée. Actuellement, il purge une peine de 28 mois de prison, qui lui a été infligée en mai dernier au terme de son procès contre l'Ordre des ingénieurs.

En 2008, des psychiatres ont conclu qu'il était inapte à être jugé, en raison d'un délire paranoïde de persécution. Bédard a contesté. Deux autres psychiatres, dont le Doc Mailloux, l'ont évalué et déclaré apte. «Mailloux, c'est la meilleure évaluation que j'ai eue. Il a dit que j'étais méthodique, analytique, d'une intelligence supérieure à la moyenne», a lancé Bédard, hier.