En quatre ans de travail et de patrouille dans les rues de Montréal-Nord, l'agent Jean-Loup Lapointe n'avait jamais eu l'occasion d'appliquer le règlement municipal sur les jeux de hasard.

C'est ce qu'il a indiqué mardi à sa première journée de témoignage à l'enquête du coroner sur la mort du jeune Fredy Villanueva, survenue le soir du 9 août 2008 dans le stationnement de l'aréna Henri-Bourassa.Lapointe est le principal témoin dans cette histoire, car c'est lui qui a tiré quatre balles en direction d'un groupe de jeunes, tuant Villanueva et blessant deux autres personnes. En compagnie de sa collègue Stéphanie Pilotte, avec qui il faisait équipe pour la première fois, Lapointe a interpellé un groupe de six jeunes et les a sommés de s'identifier parce qu'ils jouaient aux dés, ce qui constituait une infraction en vertu du règlement sur les jeux de hasard sur la place publique.

Questionné par Me François Daviault, avocat du coroner, le policier a expliqué avoir un souvenir très précis de deux incidents où il est intervenu auprès de groupes de personnes qui jouaient aux dés.

Dans le premier cas, environ trois mois avant le drame du 9 août 2008, Lapointe patrouillait à vélo avec un collègue quand leur attention a été attirée par des bruits et des cris. Ils se sont approchés et ont remarqué des individus au comportement très agressif, mais les gens se sont dispersés et le calme est revenu rapidement à leur arrivée. Dans le second cas, ils étaient intervenus à la suite d'une plainte.

«Je n'ai jamais pu délivrer de constat d'infraction, car, les deux fois, ça s'est passé sur un terrain privé. La réglementation ne s'appliquait pas», a déclaré l'agent. Par contre, il estime que cela avait entraîné du «désordre social».

«En quatre, cinq ans de patrouille, combien de fois avez-vous vu des gens jouer aux dés? a demandé Me Daviault.

- Une quinzaine de fois», a répondu le policier.

Quelques minutes plus tard, lorsque Me Daviault lui a demandé combien de fois il avait eu à intervenir sur les 15 fois où il avait vu des gens jouer aux dés, l'agent a retraité : «Je crois avoir exagéré mon chiffre.» Il a vaguement décrit des scènes où le jeu semblait bien anodin, allant jusqu'à parler d'enfants qui jouaient.



Gangs de rue


Par ailleurs, la première journée de comparution de M. Lapointe a permis d'apprendre que, quatre ans et demi après son embauche au SPVM (il avait passé quelques mois dans Hochelaga-Maisonneuve avant d'être muté), il n'avait toujours pas reçu de formation sur les gangs de rue. «Tous les policiers devaient suivre cette formation, mais on n'était pas rendu à notre équipe», a-t-il dit.

Sa collègue Stéphanie Pilotte, qui a terminé son témoignage en matinée mardi, a quant à elle livré une réflexion pour le moins étonnante sur le manque de clarté de la définition associée à un membre d'un gang de rue.

«À l'époque, on ne savait pas vraiment c'était quoi un membre de gang de rue», a-t-elle lancé. «Ce que j'ai retenu de ça, c'est comment il est difficile de définir un membre de gang de rue.»

Ce témoignage a fait bondir Me Alain Arsenault, avocat de Jeffrey Sagor-Metellus, atteint d'une balle dans le dos lors des événements. Selon l'avocat, la déclaration de la policière contraste énormément avec les annotations sur les «gangs de rue» largement répandues dans la littérature policière.

Mme Pilotte avait aussi ajouté que, dans son souvenir, l'agent Lapointe avait la situation en main le soir des événements. «Il n'a pas donné d'émotion, de sentiments ou autres», a-t-elle déclaré. Plus tard, Lapointe a dit que toute cette affaire lui avait causé «un immense stress», au point qu'il a perdu la mémoire des événements antérieurs à l'échauffourée avec les jeunes.

Au début de son témoignage, Jean-Loup Lapointe a aussi indiqué qu'il avait déjà dégainé son arme en cinq ans de travail dans la police. «C'est bien évident», a-t-il dit, sans toutefois expliquer dans quelles circonstances il l'avait fait. Mais, chose certaine, «ce n'était pas pour intimider» qui que ce soit, a-t-il précisé.

On a aussi appris qu'il avait des antécédents disciplinaires. Plusieurs mois avant le drame, Lapointe avait reçu une réprimande écrite pour ne pas avoir respecté une règle sur les poursuites en voiture.

Son témoignage doit reprendre mercredi matin à 9h30.