Même s'ils n'ont été responsables que de 1,6% des crimes en 2009 dans la métropole, les gangs de rue demeurent en tête de liste des priorités du Service de police de la ville de Montréal.

Prioriser la guerre aux gangs de rue, même si ces derniers sont reliés à moins de 2% des actes criminels commis à Montréal -une baisse de 25% par rapport à l'année 2008, est «tout a fait justifié», a martelé ce matin l'assistant-directeur et chef du Service des enquêtes spécialisées au SPVM, Jacques Robinette, à l'occasion du dépôt annuel du bilan relatif aux gangs de rue.Selon M. Robinette, la gratuité des crimes signés par les gangs et leur fort impact médiatique ont pour effet de créer un sentiment d'insécurité dans la population. Un problème de perception, puisque Montréal s'illustre comme une des villes les plus sécuritaires en Amérique du nord. «Ce qui préoccupe les citoyens, ce sont les crimes gratuits perpétrés dans des bars, le métro, la rue. Les gangs de rue et les crimes contre la personne vont toujours avoir le haut du pavé pour nous», a souligné le numéro deux du SPVM.

Est-ce donc simplement pour rassurer la population que la police va maintenir la pression contre les gangs de rue et continuer à injecter des millions de dollars dans cette lutte? Un tel constat va de soi à la lecture des statistiques compilées dans le bilan 2009. On y apprend que les gangs de rue sont reliés à seulement cinq des 31 meurtres et 39 des 111 tentatives de meurtre recensés l'an dernier.

Les crimes contre la personne, attribuables aux gangs de rue, ne représentent par ailleurs qu'un maigre 4% des gestes de cette nature observés l'an dernier sur le territoire.

Même si la menace s'avère moins forte qu'on croit, la police a néanmoins mené plusieurs actions l'an dernier pour mettre les gangs en échec. Pas moins de 117 projets d'enquête ont été mis en branle, menant à 1150 arrestations et à la saisie de 168 armes. Sans oublier les nombreuses frappes policières qui ont durement malmené le milieu interlope, dont les gangs de rue, en 2009.

À commencer par l'opération Axe en février dernier, qui visait le démantèlement d'un réseau de distribution de cocaïne actif dans le sud-ouest de la métropole.

Dirigée par les discrets frères Lavertue -dont Jean, ancien athlète olympique, la cellule fournissait plusieurs kilogrammes de cocaïne chaque semaine aux frères Zephir, associés au Syndicate, qui servaient de pivot entre les gangs de rue et les motards.

Surtout spécialisés dans le trafic de stupéfiants et l'exploitation sexuelle, les gangs de rue se distinguent aujourd'hui en trois catégories: les bandes de jeunes, les émergents -très volatiles- et le noyau dur. «Ce dernier groupe compte entre 300 et 500 membres», estime M. Robinette. Selon lui, les couleurs des gangs de rue ont aujourd'hui moins d'importance que les affiliations entre les groupes criminels. «Des gens ont assez d'influence aujourd'hui pour avoir des contacts avec des motards et des mafieux», admet l'assistant-directeur.

Durant l'enquête publique sur la mort de Fredy Villanueva, les deux policiers impliqués avaient été incapables de définir ce qu'est un membre de gang de rue, même s'ils travaillaient à Montréal-Nord, un secteur où ces criminels sont actifs. Interrogé à ce sujet, Jacques Robinette a refusé de jouer à l'autruche. «On donne des outils aux policiers. (...) On n'a pas la prétention de former 4500 experts policiers. D'ailleurs, les experts eux-mêmes ne s'entendent pas sur ce qu'est un gang de rue», a-t-il répondu.

Le SPVM a par ailleurs mis sur pied deux projets -Nocture et Sardine- dont l'objectif est de s'assurer que les gangs de rue ne profitent pas des chambardements observés ces derniers mois dans le milieu interlope pour s'infiltrer dans les bars.

Le rôle possible des gangs de rue dans la vague d'attentats au cocktail Molotov dans des cafés italiens préoccupe aussi le SPVM. Encore à ce jour, la police n'a toujours pas divulgué les mobiles de ces attaques et retient plusieurs hypothèses. Selon nos sources, l'hypothèse la plus plausible évoque des tensions entre des clans italiens. Ces tensions ne risquent pas de se résorber avec l'assassinat de Nick Rizzuto, fils du présumé chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto. L'assassinat de Rizzuto et les attaques contre les cafés illustreraient l'instabilité qui règne au sein de la mafia montréalaise. Les incendies dans les cafés pourraient avoir été allumés par des gangs de rue à la solde d'un clan italien.

 

             MEURTRES / TENTATIVES DE MEURTRE / ARMES SAISIES      2009



GANGS

DE RUE:    5                       39                            53

GLOBAL:  31                     111                          203

 

Source: SPVM

 

      CRIMES VIOLENTS RELIÉS AUX GANGS DE RUE

                             2005            2006          2007        2008           2009

MEURTRES:               6                12              14            8                5

TENTATIVES

DE MEURTRES:        58                42              54          42               39

Source : SPVM