Le syndicat des policiers de la Sûreté du Québec a taillé en pièces les plus récentes recommandations de la protectrice du citoyen, affirmant qu'elle n'a pas les compétences pour se prononcer sur l'indépendance et l'impartialité des enquêtes de la police sur la police.

Le président de l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), Jean-Guy Dagenais a jugé que le récent rapport spécial de Raymonde Saint-Germain est biaisé et va trop loin, lorsqu'il suggère de confier ces enquêtes en majorité à des civils.

Lors d'une entrevue, vendredi, M. Dagenais a attaqué sans ménagement la crédibilité de Mme Saint-Germain, affirmant que son curriculum vitae démontre qu'elle n'a aucune expérience en matière d'affaires policières.

Selon le président de l'APPQ, tout le battage entourant le dépôt du document, mardi, illustre plutôt les compétences en communication de la protectrice du citoyen, qui a dénoncé le manque d'indépendance et d'impartialité dans le processus d'enquête à la suite des interventions policières ayant entraîné des décès ou des blessures graves.

«J'ai lu son curriculum vitae et à aucun endroit c'est indiqué qu'elle a fait des études en matière policière ou en affaires juridiques, a-t-il dit. Où sont ses connaissances du milieu policier pour porter un jugement semblable?»

M. Dagenais estime que la protectrice exagère en s'appuyant sur une minorité d'enquêtes pour condamner le système actuel, qui ne fait l'objet d'aucun encadrement réglementaire ou de processus de vérification.

«Elle va chercher des exceptions ou des cas un peu plus complexes pour dire qu'à cause de ces sept cas, sur 140 enquêtes, on va tout jeter à la poubelle, a-t-il dit. Je trouve que c'est faire une analyse rapide.»

Actuellement, en vertu d'une politique du ministère de la Sécurité publique, les enquêtes sur les interventions policières qui ont mal tourné sont confiées à un corps policier autre que celui des agents impliqués dans l'incident.

La protectrice a aussi constaté que rien, dans le système en place, à l'exception des obligations déontologiques, ne permet de garantir que les enquêteurs responsables n'ont aucun lien professionnel, de parenté ou d'amitié avec les policiers visés par leur investigation.

Mme Saint-Germain avait pris l'initiative de se pencher sur les procédures en vigueur à la suite d'une intervention policière qui a entraîné la mort de Fredy Villanueva, à Montréal, en août 2008.

Selon M. Dagenais, il faut faire confiance aux policiers parce qu'ils sont les mieux placés pour apprécier les circonstances des interventions de leurs collègues.

Tout au plus, le président de l'APPQ a-t-il évoqué la possibilité d'améliorer le processus, sans toutefois préciser quel aspect.

«Faites-nous confiance, a-t-il dit. S'il y a des choses à améliorer, on fera les réflexions nécessaires. Mais pas de là à vous dire, demain matin: 'voici ce qu'il faut faire'. Je pense qu'il faut prendre le temps.»

Néanmoins, M. Dagenais ne voit aucun problème dans le fait que des enquêteurs puissent être chargés d'un dossier impliquant un collègue avec qui ils ont un lien, estimant que lorsque cela s'est produit, ils ont manifesté toute l'indépendance et l'impartialité nécessaires à la tâche.

«Ce n'est pas un obstacle, a-t-il dit. La preuve, c'est que les enquêtes ont été bien faites.»

Le criminologue Jean-Paul Brodeur, de l'Université de Montréal, a déclaré vendredi qu'il n'était pas surpris de constater les résistances des policiers à se soumettre à un organisme indépendant.

Mais selon M. Brodeur, ces réticences ne sont pas motivées parce qu'à voir la manière dont les policiers s'acquittent des enquêtes sur leurs collègues, ils n'ont rien à craindre des civils qui pourraient éventuellement s'en charger.

«Ces personnes-là ne sauraient faire pire que les policiers, a-t-il dit. Si on en juge par ce que les policiers ont fait dans l'enquête Villanueva, on constate qu'ils ont décerné, en quelque sorte un brevet d'innocence à deux policiers sans les avoir rencontrés. Je n'imagine pas qu'on puisse faire pire dans le domaine des enquêtes.»

Par ailleurs, l'Association des directeurs de police du Québec a affirmé vendredi qu'elle ne commentera pas le rapport de Mme Saint-Germain.