Plus question que le temps qu'un prévenu passe en prison avant et pendant son procès réduise la peine prononcée contre lui. Adoptée en octobre dernier, la loi qui met fin au temps de détention provisoire compté double est maintenant en vigueur, depuis lundi.

«Le ratio deux pour un n'est plus une option dans le calcul de la peine, s'est réjoui le ministre de la Justice, Rob Nicholson, hier. Cette loi va donner lieu à des peines plus réalistes et rétablir la confiance des Canadiens dans le système de justice.»

 

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper cherchait depuis longtemps à mettre fin à une pratique répandue, mais non obligatoire, voulant que les juges comptent en double les journées passées en détention préventive par un accusé et les déduisent de sa peine.

Une clause de la nouvelle loi permet toutefois de compter 1,5 journée par jour de détention préventive «si les circonstances le justifient», ce qui enlève aux juges une partie de leur pouvoir discrétionnaire.

«La loi donne des lignes directrices aux tribunaux canadiens et vient limiter la pratique de créditer du temps», a souligné le ministre Nicholson.

Selon le député de Charlesbourg et secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, Daniel Petit, la nouvelle loi aura pour effet de réduire la surpopulation dans les prisons.

«Les personnes qui étaient en détention préventive gagnaient deux jours pour une journée, donc elles avaient le goût de rester plus longtemps en détention préventive, ce qui faisait que les procès retardaient, a dit M. Petit en conférence de presse. Là, les procès ne seront pas retardés parce que la personne va demander à son avocat de passer plus vite puisque le temps passé en détention préventive compte juste un pour un. Ça va alléger tout le système carcéral au niveau provincial.»

Passage difficile au Sénat

Sans que la question lui soit posée, le ministre Nicholson a souligné «la difficulté» qu'il a eue à faire passer ce projet de loi au Sénat, à majorité libérale jusqu'aux récentes nominations de sénateurs conservateurs.

«C'était très décevant, a dit le ministre Nicholson. Nous avons eu de la difficulté à faire avancer certains projets de loi. Je suis plus optimiste maintenant que les comités sénatoriaux seront reconstitués.»

Ces propos faisaient écho à ceux du premier ministre Harper, qui, le 21 janvier dernier, a accusé les libéraux (notamment au Sénat) de faire de l'obstruction systématique dans les projets de loi en matière de justice.

Or, en jours ouvrables, le projet de loi C-25 a passé moins de temps au Sénat qu'à la Chambre des communes, ont fait remarquer les libéraux en fin de journée.

Au moment où le premier ministre Harper a prorogé le Parlement, à la fin du mois de décembre, seulement 5 des 19 projets de loi en matière de justice introduits à la Chambre des communes s'étaient rendus au Sénat.

Dans une lettre envoyée au ministre de la Justice le 5 février, le sénateur libéral James Cowan s'étonne d'ailleurs du fait que le projet de loi C-25, adopté le 22 octobre 2009, n'était toujours pas en vigueur.

«De toute évidence, ce projet de loi n'était pas prioritaire pour le gouvernement de M. Harper, contrairement à ce qu'il affirmait au début», écrit le sénateur Cowan.

Les quatre mois de délai s'expliquent par le fait qu'il fallait consulter et informer les provinces et les territoires, a rétorqué hier le ministre Nicholson.

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DÉTENTION PROVISOIRE

DÉFINITION

On parle de détention provisoire lorsque des personnes sont détenues, dans des établissements provinciaux et territoriaux, en attente de leur procès ou de la détermination de leur peine.

Depuis 2005-2006, les adultes en détention provisoire sont plus nombreux que les adultes purgeant une peine dans les prisons provinciales.

Le temps passé en détention provisoire tend aussi à s'accroître. La proportion d'adultes qui sont restés trois mois ou plus en détention provisoire est passée de 4% à 7% entre 1996 et 2006.

En 2008-2009, 57% des adultes détenus dans des établissements provinciaux étaient en détention préventive.

Le nombre d'adultes détenus provisoirement doublé entre 1998 et 2008.

Sources : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique