Le Service correctionnel du Canada (SCC) réclame 87 millions de dollars de plus pour pouvoir répondre à la demande créée par une nouvelle loi du gouvernement Harper en matière criminelle.

Le projet de loi C-25, qui met un terme à la pratique de multiplier par deux le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence, a été adopté en octobre. Or, dans le plan des dépenses du gouvernement pour 2010-2011, déposé au Parlement la semaine dernière, le SCC, organisme responsable d'administrer les pénitenciers fédéraux, a dévoilé ce qu'il en coûterait pour appliquer la nouvelle mesure.

 

L'ancien ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, avait admis l'automne dernier que les nombreuses décisions de son gouvernement en matière de loi et d'ordre engendreraient inévitablement des coûts supplémentaires pour les contribuables canadiens.

Or, c'est la première fois que l'on peut avoir une idée des coûts en question.

Ces 87,2 millions serviront, «à court terme, à recourir à des mesures temporaires telles que la double occupation des cellules et l'aménagement de nouvelles installations temporaires», a expliqué par courriel une porte-parole du Service correctionnel du Canada, Christelle Chartrand.

«Le SCC prévoit également la construction de nouvelles unités à l'intérieur du périmètre de ses établissements pour loger les délinquants», a ajouté Mme Chartrand.

Elle a par ailleurs précisé que le gouvernement n'avait «actuellement aucun projet de construire de nouveaux établissements correctionnels fédéraux à court terme».

La divulgation de ces données survient au moment où médias, politiciens et divers groupes tentent de savoir combien coûteront les réformes du gouvernement Harper en matière de droit criminel et combien de détenus supplémentaires elles enverront dans les prisons.

Un projet parmi d'autres

Lorsque le premier ministre a prorogé le Parlement, le 26 décembre, près du quart de la soixantaine de projets de loi déposés par son gouvernement touchait la loi et l'ordre.

Plusieurs visaient à durcir les peines, comme le fait le projet de loi C-25. Mais Ottawa a toujours refusé de fournir les données nécessaires pour comprendre l'impact de ces mesures sur la population carcérale et les dépenses publiques.

Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, mène actuellement sa propre enquête pour déterminer cet impact, et il espère pouvoir en divulguer les résultats dans les prochains mois. Mais à son bureau, on ignore toujours s'il obtiendra les données nécessaires pour mener son travail à terme.

Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a fait savoir par l'entremise d'un porte-parole, hier, que ces nouvelles informations n'altéraient en rien la détermination du gouvernement conservateur de durcir les règles et les peines en matière de justice criminelle.

«Il n'y a pas de changement dans notre position, a-t-il déclaré. Notre gouvernement prend des décisions basées sur la nécessité de rendre nos communautés sécuritaires. Remettre des criminels en liberté plus tôt a un coût beaucoup plus élevé que de les garder derrière les barreaux.»

Le SCC a réclamé un total de 255,7 millions de plus dans le budget des dépenses 2010-2011. Notamment, outre les 87,2 millions pour l'adoption du projet de loi C-25, 84,6 millions iront à «diverses mesures de logement liées au maintien et à la garde des délinquants telles qu'approuvées dans le plan national d'immobilisations, de logement et d'opérations», dit le document.

Un budget de 2,3 milliards

Environ 13 000 criminels purgent actuellement une peine dans un des pénitenciers fédéraux, réservés aux peines de plus de deux ans.

Le budget annuel du Service correctionnel du Canada est de 2,3 milliards. Selon un calcul du Globe and Mail, le budget annuel pour les prisons fédérales a plus que doublé depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs en 2006, passant de 88,6 millions à près de 200 millions.