L'homme d'affaires Francesco Bruno a été accusé, mercredi, d'avoir commis des actes criminels en aidant des entreprises de l'entrepreneur Tony Accurso à éluder le paiement d'impôts de plusieurs centaines de milliers de dollars entre 2006 et 2008. Bruno, résidant de Laval âgé de 48 ans, est aussi accusé d'avoir trompé Revenu Canada pour éviter de payer ses propres impôts.

Tony Accurso est considéré comme l'un des entrepreneurs en construction les plus importants du Québec. Son nom a souvent surgi dans des affaires controversées, l'année dernière, notamment pour des croisières dans les Antilles avec l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, et le président de la FTQ, Michel Arsenault.Il y a un an, presque jour pour jour, l'Agence de revenu du Canada a mené plusieurs perquisitions dans les entreprises de M. Accurso et dans d'autres endroits. Le ministre du Revenu, Jean-Pierre Blackburn, avait déclaré que l'Agence avait «des motifs de croire que trois sociétés impliquées, soit Simard-Beaudry, Construction Louisbourg et Hyprescon, administrées par l'homme d'affaires Antonio Accurso, auraient versé près de 4,5 millions de dollars à deux entreprises dites coquilles qui n'ont aucune activité commerciale, et qui auraient été utilisées dans un stratagème de factures de complaisance.»

Depuis, Hyprescon a été vendue à une société américaine. Ni M. Accurso ni ses entreprises n'ont été accusés. En revanche, Francesco Bruno devra se présenter au palais de justice de Montréal le 5 mai aux fins de la Loi sur l'identification des criminels.

Paiements d'impôts éludés

Les actes d'accusation déposés mercredi soutiennent que Bruno et une société à numéro qui lui appartenait ont volontairement éludé le paiement d'impôts de 548 693$ dus par Simard-Beaudry et Hyprescon, relativement à de fausses dépenses de 2,5 millions de dollars. Toujours selon les chefs d'accusation, Bruno et la compagnie Entretien Torrelli ont éludé le paiement d'impôts de 395 767$, relativement à de fausses dépenses de 1,9 million de dollars. La société à numéro et Entretien Torrelli étaient des coquilles vides.

Francesco Bruno est aussi accusé d'avoir omis de déclarer des revenus de 1,6 million pour les années d'imposition 2005, 2006 et 2007.

Enfin, il aurait fait des inscriptions fausses dans les livres de comptes de B.T. Céramique et cherché à éviter le paiement d'un impôt d'une autre société, Ventilex Inc.

Par ailleurs, l'Agence de revenu du Canada (ARC) poursuit deux enquêteurs, maintenant congédiés, qui auraient comploté avec Francesco Bruno. Il s'agit d'Antonio Girardi, 45 ans, et d'Antonio Furgiuele, 41 ans, de LaSalle. L'Agence cherche à récupérer plus de 248 000$ en impôts, en pénalités et en intérêts de chaque homme.

Selon les documents déposés par l'ARC, Bruno, Girardi et Furgiuele auraient caché 1,7 million de dollars dans des paradis fiscaux. Ils utilisaient un compte offshore ouvert aux Bahamas par le financier québécois Martin Tremblay, emprisonné aux États-Unis pour blanchiment d'argent.

Les trois hommes se seraient rendus dans les Bahamas dans les jours qui ont suivi l'arrestation de Tremblay, le 20 janvier 2006. Ils ont fermé le compte bancaire de l'entreprise Beaudoin&Frères ltée pour transférer les fonds dans une banque privée de Genève, en Suisse. Le compte helvétique a été ouvert au nom de C.T.A. Holdings.

B.T. Céramique, l'entreprise de Francesco Bruno, se spécialisait dans la vente et l'installation de céramique, de marbre et de granit. Elle a eu d'importants contrats publics, entre autres pour la construction du ministère fédéral de la Justice, de l'ambassade des États-Unis à Ottawa et du Casino de Montréal.

Coup de pouce de Colisée

Des renseignements provenant de l'enquête antimafia Colisée, menée par la Gendarmerie royale du Canada, ont joué un rôle important dans les enquêtes de l'ARC. La société B.T. Céramique a ses bureaux dans un immeuble commercial appartenant au chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, en prison aux États-Unis, et à son conseiller Paolo Renda.

Simard-Beaudry, l'entreprise de Tony Accurso, s'était vu octroyer le contrat des compteurs d'eau par la Ville de Montréal, en partenariat avec la firme d'ingénieurs Dessau. Ce contrat a été vertement critiqué par le vérificateur général de la Ville et a finalement été annulé.