Amateurs de hockey, Richard Préfontaine, sa femme, Line Charbonneau, et leurs filles, Amélie et Anaïs, regardaient le match du Canadien, lundi, au sous-sol de leur maison, sans se douter que leur soirée en famille allait tourner au drame.

Environ 24 heures plus tard, leurs quatre corps ont été retrouvés inanimés sous plusieurs pieds d'argile et de débris, engloutis par un glissement de terrain d'une rare ampleur.

La catastrophe a laissé dans son sillage boueux une faille d'environ un kilomètre de long et une municipalité sous le choc.

Herman Gagnon, voisin immédiat des Préfontaine, a raconté qu'il regardait la télévision lorsque le sol s'est mis à vibrer, lundi soir. «C'était comme un tremblement de terre. L'électricité a été coupée et on entendait le son des tuyaux. Ça craquait de partout. J'ai dit à ma femme de sortir de la maison.»

Une fois à l'extérieur, il a constaté l'impensable : la maison de son voisin avait disparu. «C'est seulement lorsque je me suis approché au bord du gouffre que j'ai réalisé ce qui se passait», a souligné M. Gagnon, qui s'estime chanceux dans les circonstances. Comme lui, quatre autres familles n'ont toujours pas obtenu le feu vert pour réintégrer leur maison.

Peu de temps après le glissement de terrain, des pompiers ont tenté de pénétrer dans la maison, mais ils ont dû battre en retraite parce qu'elle continuait de s'enliser. Même chose pour les voisins qui ont tenté de secourir la famille. Charles Gera était de ceux-là. «Je revenais de faire des commissions. Il faisait noir. J'ai entendu des cris de désespoir et vu les pompiers autour de la maison», a raconté M. Gera, les traits tirés par sa nuit blanche.

Ce dernier connaît Richard Préfontaine depuis l'école élémentaire. «Saint-Jude est une petite place où tout le monde se connaît et s'entraide. Des gens ont tenté de joindre les disparus par téléphone, mais on entendait la sonnerie dans les ruines de la maison», a ajouté M. Gera.

Il souligne qu'il avait remarqué depuis un mois de petits affaissements de terrain en bordure de la rivière Salvail Nord, un étroit cours d'eau qui se jette dans la rivière Yamaska un peu plus loin.

Recherches difficiles

Les recherches se sont déroulées dans des conditions difficiles, a expliqué Michel C. Doré, sous-ministre associé à la sécurité publique et coordonnateur à la sécurité civile. Le sous-sol de la maison était rempli d'eau, de débris et de meubles, a-t-il précisé.

Le corps du père de famille a été retrouvé en début de soirée. Puis, vers 21h30, M. Doré a confirmé le pire. Les corps des trois autres membres de la famille avaient également été retrouvés morts à l'intérieur de la salle de télévision de la résidence. «A posteriori, en regardant les conditions dans lesquelles ils ont été retrouvés, ils n'avaient aucune chance de s'en sortir.»

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Le chien de la famille a été retrouvé dans les décombres, mardi matin.

Seul un des chiens de la famille a été retrouvé vivant hier matin.

La maison est inclinée à 30° et aurait glissé sur une distance d'environ 30 m. L'affaissement du terrain a provoqué un trou d'une profondeur d'environ 20 m. La résidence est tellement enfoncée que la corniche du deuxième étage est maintenant au niveau du sol. C'est par les fenêtres du deuxième étage que les secours, notamment les pompiers de Saint-Hyacinthe, ont accédé à l'intérieur.

«On a déjà connu des glissements de terrain de cette envergure au Québec, mais dans des zones inhabitées», a indiqué Michel C. Doré.

En milieu de journée hier, les médias et les proches des disparus ont été autorisés à s'approcher brièvement du gouffre pour contempler la scène. Auparavant, les gens étaient refoulés à environ 1 km de la faille pour des raisons de sécurité. Plusieurs habitants de Saint-Jude ont convergé vers les lieux.

Les proches sous le choc

«C'est une catastrophe, on dirait qu'un tsunami est passé là», a laissé tomber hier Richard Charbonneau, frère de la mère disparue.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

La couverture des patrouilleurs Hugo Meunier et Patrick Sanfaçon, lors du glissement de terrain à Saint-Jude, a retenu l'attention des juges.

Comme les autres membres de sa famille, il devait se résigner à contempler, impuissant, la scène surréaliste du rang Salvail Nord, qui traverse cette bourgade montérégienne de 1100 âmes défigurée.

«Je leur ai parlé à 16 h 30 hier après-midi pour leur souhaiter bonne journée. Richard m'a demandé des trucs pour faire du vin, parce que j'en fais depuis longtemps», a raconté Louisette Charbonneau, mère de Line Charbonneau.

Yvan Desrochers aussi semblait atterré. L'oncle de Richard Préfontaine cherchait les mots pour décrire le cauchemar dans lequel lui et les siens sont plongés. «On pense toujours que ces histoires-là n'arrivent qu'aux autres.», a laissé tomber M. Desrochers.

- Avec la collaboration de Daphné Cameron



Photo tirée de Google Street View

La maison, avant le glissement de terrain.