Le glissement de terrain survenu lundi à Saint-Jude expose les lacunes dans les connaissances des autorités sur ce phénomène, qui frappe pourtant particulièrement le Québec.

La maison qui a été emportée était construite dans une zone jugée à «faible risque» de mouvements de sols, a indiqué mardi Michel C. Doré, coordonnateur gouvernemental de la Sécurité civile du Québec.Selon la MRC des Maskoutains, la carte des zones à risque a été établie au début des années 80, comme partout ailleurs au Québec.

Le zonage municipal interdit toute nouvelle construction dans les zones à risque élevé, mais non dans les zones à faible risque, a précisé le maire de Saint-Jude, Yves de Bellefeuille. La maison de la famille Préfontaine a été construite vers 1995. La carte de la MRC des Maskoutains se fonde sur une étude datant de 1977.

Saint-Jean-Vianney

Comme ailleurs dans la province, c'est le glissement de terrain survenu en 1971 à Saint-Jean-Vianney, au Saguenay, qui avait fait 31 morts, qui a suscité une prise de conscience: «On s'était dit qu'on ne pouvait plus permettre de nouvelles résidences dans les zones à risque de coulées argileuses, explique François Morneau, coordonnateur scientifique à la Sécurité civile du Québec. On avait lancé un grand chantier de cartographie. On a fait un travail incroyable pour l'époque. Mais aujourd'hui, on travaille avec des cartes sept ou huit fois plus précises.»

Les cartes de l'époque s'étaient concentrées sur les zones plus densément peuplées, ce qui laissait environ les deux tiers des zones à risque non cartographiées.

En 2006, dit M. Morneau, la Sécurité civile a commencé à refaire la cartographie pour couvrir les secteurs les plus bâtis avec plus de précision, grâce à des technologies plus avancées.

«La maison des Préfontaine était dans une zone considérée comme à faible risque, mais avec les connaissances actuelles, ça aurait pu être différent», dit M. Morneau.

Le phénomène est connu depuis longtemps. En 1945, après un glissement de terrain, Léo G. Morin, professeur à l'Université de Montréal, avait proposé d'interdire toute construction à une distance inférieure à 10 fois la profondeur du ravin le plus proche.

La réglementation en vigueur dans la MRC des Maskoutains et ailleurs au Québec est moins stricte. L'interdiction totale se limite à deux fois la profondeur du ravin pour les bâtiments et cinq fois pour les routes ou les services publics, comme les égouts.

L'incident de Saint-Jude pourrait faire accélérer les travaux en cours, a-t-on laissé entendre mardi.

«Pour l'instant, nos efforts se concentrent sur l'opération de sauvetage, a dit M. Doré. Ensuite, on regardera les cartes de risques et on verra si de nouvelles données relatives aux changements climatiques ou à l'hydrologie permettent de les réviser.»

Selon Michel Lamothe, professeur de géologie à l'UQAM, la région située entre Saint-Hyacinthe et le lac Saint-Pierre est la plus problématique du Québec, à cause de sa concentration en sols argileux. Il conseille aux acheteurs de maison de tenir compte des zones à risque, dont chaque municipalité a la carte. «Il ne faut pas acheter une maison à l'intérieur de ces zones», tranche-t-il.

Mais il reste que les gens négligent souvent ce risque. «J'ai participé à des projets de cartes de zones à risque. On ne peut pas dire aux gens: «Vous devez partir parce qu'il pourrait y avoir un glissement de terrain dans les 100 ou 500 prochaines années.» Mais depuis 150 ans, il y a eu des glissements de terrain dans 3% ou 4% des terrains à risque.»