Les spécialistes sont unanimes. Le tragique accident qui a fauché la vie de trois triathlètes, hier, à Rougemont, démontre qu'il reste bien du travail à faire pour améliorer la cohabitation entre les cyclistes et les automobilistes sur les routes du Québec.

Pour le président de la Table québécoise de la sécurité routière, Jean-Marie De Koninck, l'accident d'hier constitue un dur «rappel à la réalité». «De mémoire, c'est du jamais vu au Québec, a-t-il expliqué. Bien que je ne connaisse pas les causes exactes de l'accident, il est vrai que trop souvent les automobilistes pensent qu'ils ont un usage exclusif de la route.»

Selon le Code de la sécurité routière du Québec, les automobilistes qui doublent des cyclistes ont l'obligation de le faire à une distance d'au moins 1,5 m et ont le droit de chevaucher une ligne double pour y parvenir. Or, la plupart des conducteurs ignorent cette règle, ont déploré trois intervenants interrogés par La Presse.

«Plusieurs perçoivent la ligne double comme un mur de béton. Ils aiment mieux serrer un cycliste que de la traverser, a expliqué M. De Koninck. L'autre réflexe, c'est de se dépêcher de dépasser alors qu'ils devraient ralentir.»

«Cet accident démontre à quel point les cyclistes peuvent être vulnérables et qu'il faut poursuivre les efforts pour améliorer le Code de la sécurité routière, la cohabitation avec les automobilistes et les aménagements pour rendre les routes plus praticables», a ajouté Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes.

À l'endroit où a eu lieu l'accident, l'accotement est en gravier. Selon Suzanne Lareau, présidente-directrice générale de Vélo-Québec, l'asphaltage des accotements, surtout en milieu rural, est l'une des clés pour améliorer la sécurité des amateurs de vélo.

«La réflexion que l'on fait depuis des années, c'est que la seule solution pour éviter des drames est de fournir un environnement sécuritaire, dit-elle. Par ailleurs, la majorité des accidents mortels ont lieu en milieu rural parce que la vitesse des automobilistes y est plus élevée. Casque ou non, la majorité des cyclistes n'ont aucune chance de s'en sortir en raison de la force de l'impact.»

«Une grande part des accotements ne sont asphaltés au Québec. Même si le cycliste n'a pas le choix, il reste qu'il a le droit de circuler sur les routes, précise M. De Koninck. On ne sait pas exactement ce qui s'est passé. Mais une chose est sûre, les cyclistes n'étaient pas dans le tort. Ils étaient bien entraînés, disciplinés et roulaient les uns derrière les autres.»

Suzanne Lareau estime que de 12 à 20 accidents tuent des cyclistes chaque année. Triste ironie du sort, à peu près au moment où l'accident s'est produit, des acteurs du monde du vélo étaient réunis en conférence de presse à Québec pour annoncer la tenue du Tour du silence, organisé pour rendre hommage aux cyclistes morts sur les routes.