Dimanche matin, Marc Flageole a déposé une petite croix de bois sur la banquette arrière de sa voiture et a pris le chemin de la route 112. L'homme de 40 ans a roulé jusqu'à Rougemont, où il s'est immobilisé sur l'accotement à quelques mètres de l'endroit où sa femme Lyn Duhamel est morte vendredi matin, fauchée par une camionnette.

L'ingénieur tenait à revisiter les lieux de la tragédie qui a fait basculer sa vie et celle des proches de deux autres membres de l'équipe de triathlon de Saint-Lambert mortes dans l'accident. Au moment du drame, les victimes, Lyn Duhamel, Sandra De La Garza Aguilar et Christine Deschamps, roulaient dans un peloton de six cyclistes vers Sherbrooke pour participer à un camp d'entraînement.

«Lyn était la personne la plus incroyable, nous a-t-il confié dans la cuisine de sa résidence de Boucherville. Comme toutes les autres infirmières, elle avait tendance à prendre les problèmes des autres sur ses épaules. Elle était patiente, et d'une grande écoute.»

Marc Flageole a accepté de nous rencontrer pour rendre hommage à sa conjointe, décrite par ses coéquipiers comme une leader. Le couple vivait une belle histoire d'amour depuis leur rencontre devant un «rack à bécyk» peu de temps avant leur départ au Championnat du monde de triathlon, à Montréal en 1999.

Au fil des courses et des entraînements, ils se sont liés d'amitié puis sont tombés amoureux. Lyn est devenue la deuxième maman de Marianne, née de la précédente union de Marc. L'adolescente portera le piercing de Lyn, que le coroner a retourné dans une enveloppe après l'accident.

Baptisés «le couple de fer» par le journal local, Marc et Lyn s'adonnaient avec passion au Ironman, triathlon constitué de trois épreuves consécutives: 3,8 km de natation, 180 km de vélo et 42 km de course à pied.

Avec cinq de ces courses sous la ceinture, Lyn était un modèle pour les autres membres de l'équipe de triathlon de Saint-Lambert qui se préparaient en vue de cette grande épreuve. Cinq des six cyclistes impliqués dans l'accident sur la route 112 se préparaient d'ailleurs pour divers triathlons Ironman à venir au cours de l'été.

C'est l'une des trois survivantes de l'accident, Karine Dessureault, qui a téléphoné à Marc Flageole pour lui dire de se présenter à l'hôpital. «Je savais que c'était très grave, mais j'avais quand même un petit espoir. Mais je ne savais pas qu'il y avait eu un impact aussi fort. Si vous aviez vu comment la camionnette était bossée. Elles sont pleines, pleines, pleines de fractures... Un impact comme cela... tu t'en sors pas.»

 

Photo fournie par la famille

Lyn Duhamel, 39 ans.

Retour sur les lieux de l'accident

Hier midi, une quinzaine de membres du Club de triathlon de Saint-Lambert et des proches des trois victimes ont rejoint Marc Flageole aux abords de la route 112.

Le groupe a planté la croix de bois en bordure du chemin lors d'une cérémonie au cours de laquelle l'entraîneur-chef de l'équipe de triathlon de Saint-Lambert, Pierre Svartman, a rendu hommage au trio, affectueusement surnommé «les girls». Des chaussures de sport, des fleurs et des messages ont été déposés au pied de la croix.

C'était également la première fois que les trois survivants de l'accident, Jean Dessureault, Karine Desormeaux et France Carignan retournaient sur les lieux du drame. Une expérience lourde d'émotions pour cette dernière, qui a perdu sa conjointe Christine Deschamps, 44 ans, dans l'accident. Les deux femmes roulaient côte à côte lorsque la camionnette a happé le peloton de cyclistes.

«Pour moi, ce fut thérapeutique de revoir les marques des pneus de la chaussée, les lignes de peinture qui ont été tracées sur le sol autour de nos vélos après l'accident. Revoir la scène, ça m'aide, même si j'ai du mal à réaliser ce qui est arrivé à Christine», a expliqué Mme Carignan, qui a tenté des manoeuvres de réanimation sur sa conjointe à la suite de l'accident.

«Si elle avait pu s'en tirer, elle se serait battue, c'était une battante», a-t-elle dit au sujet de la femme qui possédait une ceinture noire deuxième dan de karaté Shotokan.

«C'était mon petit rayon de soleil. J'essaie de me consoler en me disant qu'elle est morte en faisant quelque chose qu'elle aime. Si elle avait survécu, mais qu'elle avait été en fauteuil roulant ou qu'elle n'avait plus toute sa tête, je ne pense pas qu'elle aurait été heureuse.»

Pour rendre hommage à sa conjointe, qui travaillait comme consultante informatique, France Carignan participera, mercredi, au Tour du silence. Cette randonnée vise à commémorer la vie des cyclistes morts sur les routes. Elle lui dédiera également ses prochaines courses.

Jean Dessureault compte également se joindre au groupe. «Si vous m'aviez parlé en matinée, je ne pense pas que j'aurais été capable de remonter sur mon vélo. Mais au fil de la journée, j'ai ressenti un vent d'optimisme, une énergie positive.»

Photo fournie par le Club de triathlon de Saint-Lambert

Christine Deschamps, 44 ans.

Le conjoint de Sandra De La Garza Aguilar a décidé de ne pas se présenter à la commémoration, trop ébranlé par les événements. Arrivée au Québec il y a quelques années, la femme d'origine mexicaine a cependant été décrite comme une femme qui mordait à pleines dents dans la vie. Elle était mère d'un adolescent.

«Lyn était notre leader, Christine, la grande organisatrice et Sandra, notre petite boule d'énergie. Ensemble, elles formaient une belle synergie. Un trio impossible à remplacer», a souligné Pierre Svartman.

Photo fournie par le Club de triathlon de Saint-Lambert

Sandra De La Garza Aguilar, 36 ans.