Depuis leur apparition, dans les années 90, les Clubs Compassion suscitent la polémique. Leurs partisans disent qu'ils allègent les douleurs de milliers de malades. Leurs critiques les accusent d'être des revendeurs de drogues. Après plus d'une décennie de tolérance, les policiers ont écouté le deuxième clan et ont mis fin aux activités de cinq de ces établissements.

Après avoir toléré durant des années les activités des Clubs Compassion, la police de Montréal a décidé de faire le ménage dans les quatre établissements de la métropole où l'on écoulait de la marijuana à des fins thérapeutiques.

Trois d'entre eux avaient pignon sur rue au Plateau-Mont-Royal. L'autre, ouvert il y a quelques mois à Lachine, semble à l'origine de cette vaste offensive, qui s'est soldée par l'arrestation de 35 personnes. Un Club Compassion a aussi été démantelé à Québec.

Excédés par les plaintes des voisins du centre Culture 420, à Lachine, et par la facilité désarmante avec laquelle ses clients pouvaient s'y approvisionner, des dizaines de policiers ont frappé simultanément sur le coup de midi dans tous les Clubs Compassion de Montréal. «On a décidé de mener une action concertée. Ces endroits s'adonnaient à du trafic de stupéfiants. On applique la loi avec rigueur. Personne n'est autorisé à vendre de la marijuana, sauf Santé Canada», a expliqué Antonio Lannantuoni, commandant du SPVM pour la région Ouest. «On ne vise pas les gens malades, mais les administrateurs de ces centres et ceux qui s'adonnent à la revente de stupéfiants», a ajouté le commandant.

Selon la loi, seul Santé Canada est autorisé à vendre des stupéfiants à des fins thérapeutiques.

Les responsables des Clubs Compassion estiment pour leur part qu'ils répondent à des besoins immenses auxquels Santé Canada est incapable de faire face seul.

Pour se procurer de la marijuana, leurs clients devaient fournir un certificat médical attestant qu'ils souffraient d'une maladie ou de douleurs inscrites sur une liste rédigée par Santé Canada. Le VIH, le cancer, la dystrophie musculaire, la paraplégie ou la sclérose en plaques y figurent, aux côtés des migraines, douleurs chroniques et troubles du sommeil.

Mais dans les faits, une simple déclaration écrite approuvée par un notaire suffisait pour obtenir une carte de membre du centre Culture 420 de Lachine, qui fonctionnait d'ailleurs sans permis d'occupation depuis son ouverture, en février.

Marc-Boris St-Maurice

Au nombre des personnes arrêtées jeudi figure Marc-Boris St-Maurice, fondateur du Bloc Pot et du premier Club Compassion de Montréal et figure emblématique de la lutte pour la légalisation de la marijuana. Il a été interpellé au Centre Compassion du boulevard Saint-Laurent.

Vêtu d'un complet, M. St-Maurice a calmement suivi les policiers jusqu'à la banquette arrière d'une voiture de police. «Ce qui est dommage, c'est que beaucoup de gens malades vont être privés de cannabis demain, mais ils ne seront pas plus guéris», a lancé le prévenu.

«C'est ridicule, tous les gens qui viennent ici ont de bonnes raisons et des preuves médicales», plaide Ian Bernhardt, un membre du club qui s'est heurté à des portes closes. Depuis un an, il soigne ses douleurs chroniques avec de la marijuana, qu'il paie 10$ le gramme. «Il y a plein de personnes âgées qui viennent ici», a déploré le jeune homme, qui craint de devoir désormais s'approvisionner dans la rue.

Un peu plus loin, Max, employé du centre visé dans l'opération, observait la scène sur son vélo. Le jeune homme ne voulait pas s'approcher des lieux de la perquisition, de peur de se faire arrêter à son tour. Il ne comprenait pas pourquoi les policiers avaient décidé de frapper ce jour-là alors que l'endroit existe depuis des années. Il croit que tous les Clubs Compassion écopent en raison des irrégularités observées à Lachine. «C'est ridicule de nous mettre tous dans le même bateau», a soupiré le jeune homme.

Avant de quitter le centre du boulevard Saint-Laurent, les policiers ont placardé une affiche avec un numéro de téléphone sur la porte: «Pour obtenir du cannabis à des fins médicales, appelez Santé Canada».

Les deux autres endroits ciblés au Plateau-Mont-Royal sont situés sur les avenues du Parc et Papineau.

Une bonne nouvelle

L'opération de jeudi s'est toutefois surtout concentrée au club de Lachine, à l'angle de la rue Notre-Dame et de la 15e Avenue. Plusieurs policiers s'y trouvaient, mais aussi de nombreux badauds et commerçants soulagés par ce coup de filet. «C'est une bonne nouvelle! Il y avait tellement de va-et-vient...» a souligné Mariette Lepage, propriétaire d'une entreprise voisine du centre Culture 420. À ses yeux, une minorité des clients du Club Compassion semblaient malades.

Selon le SPVM, jusqu'à 200 personnes pouvaient venir au centre en une seule journée.

Il y a quelques semaines, les médias avaient d'ailleurs fait état de la controverse qu'avait soulevée l'ouverture de l'établissement de Lachine. Même le maire de l'arrondissement, Claude Dauphin, n'avait pas caché son scepticisme vis-à-vis de l'implantation de ce centre. «Si on vend à des gens qui en ont vraiment besoin, je n'ai pas de problème avec ça. Mais j'ai moi-même vu des jeunes y entrer qui avaient l'air en pleine forme», avait-il déclaré.

Jeudi, il a salué le travail des policiers: «Depuis plusieurs mois, plusieurs citoyens voyaient leur sentiment de sécurité s'amoindrir. C'était rendu insoutenable.»

Dans un bilan provisoire, les policiers ont dit jeudi avoir saisi près de 60 kg de marijuana, environ 10 000$ en argent liquide et du matériel informatique.

Les individus arrêtés font face à des accusations de trafic de stupéfiants, de possession de stupéfiants dans le but d'en faire le trafic et de complot.

Selon la police, les personnes arrêtées n'ont aucun lien avec le crime organisé.