Une version moderne d'Aurore l'enfant martyre semblait «inimaginable» aux yeux du juge Jean Falardeau. C'était avant de présider le procès d'une mère monoparentale qui a infligé des mauvais traitements à cinq de ses huit enfants de 1995 à 2007.

Le magistrat a fait référence à cette fiction inspirée d'un fait divers des années 1940 qui «faisait dresser les cheveux sur la tête», lundi, au moment de sa décision sur la peine. «Je pensais que c'était inimaginable que ça se passe à Montréal dans les années 1990 et 2000», a souligné le juge Falardeau.  

Le juge Falardeau a imposé une peine exemplaire de quatre ans de prison à cette femme de 44 ans cet après-midi au palais de justice de Montréal. Le magistrat a tenu des propos très durs à l'endroit de l'accusée. «Aucun être humain équilibré ne peut agir de la sorte», a dit le juge de la Cour du Québec insistant sur le fait que cette mère devait éprouver un «problème psychiatrique important».

Au terme de son procès, la femme de 44 ans a été reconnue coupable en avril dernier d'avoir infligé des voies de fait armées, dont certaines causant des lésions, à cinq de ses huit enfants. Elle a aussi proféré des menaces de mort à l'une de ses filles.

Cette mère battait ses plus jeunes enfants à coups de règle, de «guenille mouillée» et de ceinture. Les plus vieux, eux, recevaient des coups de bâtons de hockey. Elle a plongé la tête de sa fille de 14 ans dans le fleuve Saint-Laurent lors d'une sortie familiale assez longtemps pour que cette dernière ait peur de mourir. L'aînée a reçu un coup de poing au visage en guise de cadeau pour ses 18 ans.

Certains enfants ont enduré ce calvaire pendant une dizaine d'années. Ils sont aujourd'hui âgés de 5 à 24 ans. Une ordonnance de non-publication interdit aux médias de les nommer. La famille vivait dans un HLM insalubre de l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

«L'accusée a besoin d'un temps de réflexion significatif pour comprendre que les gestes posés envers ses enfants sont intolérables», a ajouté le magistrat. La mère de famille a perdu la garde de ses huit enfants il y a trois ans après que sa fille de 14 ans ait porté plainte à la police. Ces enfants auront une «vie difficile jusqu'à la fin de leurs jours», a déploré le magistrat.

Le juge est manifestement resté sourd aux arguments de la défense qui réclamait de trois à six mois de prison ferme. «C'est une personne qui aime beaucoup ses enfants. Elle a fait de son mieux pour ravoir la garde de ses enfants depuis trois ans et se réhabiliter dans notre société», a plaidé l'avocate en défense, Me Mary Raposo.

Cette mère qui a vécu des années sur l'aide sociale s'est récemment trouvé un emploi dans une entreprise de restauration rapide, a fait valoir son avocate. Elle a également suivi des ateliers de gestion de colère, notamment celui de «parents zen». La criminaliste a tout de même admis que sa cliente ne reconnaissait toujours pas avoir fait preuve de «violence physique» envers ses enfants. Toutefois, l'accusée, elle-même une enfant de la DPJ, a eu une enfance difficile. Cela représente un facteur atténuant, selon l'avocate en défense.

Le juge a imposé la peine que réclamait la Couronne. «Le juge a lancé un message clair qui ne s'adresse pas seulement aux mères de famille, mais à tous ceux qui ont la responsabilité d'un enfant dans la société», s'est réjouie la procureure de la Couronne, Me Anne Gauvin.