«Il n'y a pas de problème de surpopulation» à la prison d'Orsainville, a assuré hier Johanne Beausoleil, du ministère de la Sécurité publique.

Le Ministère indique que l'établissement compte présentement 631 détenus pour 710 lits fixes. La Presse a tenté en vain d'obtenir des précisions sur ces chiffres contestés.

«Il faut distinguer entre capacité totale, qui inclut tous les lits de la prison, et capacité opérationnelle, soit le nombre limite de lits pour assurer un fonctionnement régulier. La capacité opérationnelle est certainement plus petite que 710 lits», avance Éric Bélisle, intervenant au Groupe de défense des droits des détenus du Québec.

Évidemment, on ne peut établir de lien direct entre la surpopulation carcérale et l'émeute de mercredi soir, mais il s'agit tout de même d'un problème majeur, martèlent Éric Bélisle et Stéphane Lemaire, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

En 2009-2010, les établissements provinciaux ont compté en moyenne 4587 détenus. Selon M. Lemaire, c'est 1000 de plus que la capacité opérationnelle. «La population carcérale augmente, mais pas nos effectifs», résume-t-il.

Le sujet n'est pas nouveau. En 1989, déjà, le Protecteur du citoyen avait dénoncé la surpopulation qui sévissait dans les prisons. Près de 800 nouvelles places ont été crées entre 2003 et 2009, mais le taux d'occupation est passé de 101,7% à 116,3% (taux calculé en fonction de la capacité d'accueil opérationnelle).

«Ce n'est pas parce que le crime augmente, dit M. Bélisle. Statistique Canada vient de nous prouver encore cette semaine que le taux de criminalité diminue depuis au moins 10 ans.» Selon lui, le problème vient plutôt de la hausse du nombre de prévenus - les gens incarcérés en attente de leur procès. Depuis 20 ans, leur proportion dans les établissements provinciaux est passée de 20 à 50%.

Selon Stéphane Lemaire, une réforme du système carcéral québécois est urgente pour prévenir les débordements. «On est surmenés, on a besoin de plus d'agents correctionnels, d'une formation plus longue et, surtout, de plus d'espace dans les prisons», énumère-t-il.

Les problèmes de surpopulation observés depuis quelques années sont à l'origine de tensions entre les détenus, observe M. Lemaire. Et la chaleur des derniers temps n'aide en rien à calmer le jeu. «La population en général s'en moque un peu, mais il n'est pas évident de gérer deux ou trois détenus par cellule, sans compter les problèmes de trafic de drogue», souligne-t-il. Selon lui, l'idéal serait d'avoir un détenu par cellule.

- Avec Hugo Meunier

QUELQUES ÉMEUTES PASSÉES

7 février 2008, Québec

Une dizaine de détenus allument un incendie à la prison d'Orsainville pour protester contre l'interdiction de fumer, même à l'extérieur. Quelques jours plus tard, on redonne aux détenus le droit de fumer à l'extérieur.

3 juin 2007, Québec

Seize détenus de la prison d'Orsainville protestent contre leur transfert dans l'aile F1, où la surveillance est plus grande. Ils allument des feux, cassent la fenêtre de la guérite, brisent des toilettes et causent des dégâts d'eau. Aucun agent n'est blessé.

25 juillet 1982, Sainte-Anne-des-Plaines

Des détenus munis d'armes blanches tentent de s'évader en masse de l'Institut Archambault, établissement carcéral fédéral de Sainte-Anne-des-Plaines. Les gardiens réussissent à bloquer la sortie. Certains sont pris en otages. Une fois le calme rétabli, on trouve deux détenus qui se sont suicidés avec du cyanure. Avant de se donner la mort, ils ont poignardé à mort deux gardiens, et pendu un troisième.

8 mars 1978, Saint-Jérôme

Deux détenus essaient de s'évader. Leur tentative échoue. Avec l'aide d'un troisième homme, ils séquestrent six gardiens et codétenus. La célèbre prise d'otages durera 14 jours. Claude Poirier et Me Robert LaHaye agissent à titre de négociateurs. Le tout se termine sans bain de sang.

LA PRISON D'ORSAINVILLE EN CHIFFRES

Nombre de détenus actuel: 613

Nombre de lits: 710*

On distingue entre la capacité d'accueil (nombre de lits disséminés dans l'ensemble de la prison) et la capacité opérationnelle (nombre de lits réguliers). Malgré nos nombreux appels hier, personne au ministère de la Sécurité publique n'était en mesure de chiffrer la capacité opérationnelle.

Prison provinciale c. fédérale

La durée de la peine détermine si un détenu sera envoyé dans un établissement provincial ou fédéral. Si la peine est supérieure à deux ans, le détenu ira dans un pénitencier fédéral. Si elle est de deux ans ou moins, il ira dans un établissement de détention provincial, comme la prison d'Orsainville. Les prévenus - les gens incarcérés en attente d'un procès - sont aussi envoyés dans les centres de détention provinciaux.