Les plats d'un restaurant sont-ils protégés par des droits d'auteur? Oui, selon Cora, qui vient de s'adresser à la Cour supérieure pour forcer un restaurant de la chaîne Eggsquis à retirer certains plats de son menu, au motif qu'ils auraient été copiés sur les siens.

La chaîne Chez Cora, qui compte 55 franchises au Québec, et Eggsquis, qui en compte 34, se spécialisent toutes deux dans les déjeuners. Dans sa demande d'injonction déposée au palais de justice de Montréal, Chez Cora soutient que le restaurant Eggsquis de Mascouche sert à ses clients certains plats copiés sur les siens, tant pour le nom, la marque et la recette que pour la présentation visuelle. Les plats en cause sont le Lucie-la-Framboise, le Brie fondant à l'érable, le Panini crêpe Gigi, la Crêpe croquante, le Déjeuner surprise et le Bobby Button. Le problème, constaté en mai 2009 et qui perdure malgré les avertissements, soutient Cora, ne concerne que le seul franchisé de Mascouche.

Pareil, pas pareil

Joint par La Presse, Bobby Vergados, propriétaire de l'Eggsquis de Mascouche, admet offrir certains plats particuliers en plus de ceux offerts par la chaîne Eggsquis. Mais il assure qu'il n'a pas copié Chez Cora. «On va changer de noms, on va régler ça cette semaine», indique M. Vergados, qui affirme néanmoins que ni la présentation ni les recettes ne sont les mêmes.

Entre autres, M. Vergados offre un plat appelé «Déjeuner surprise à la Bobby» (il s'appelle lui-même Bobby.) Cora estime qu'il s'agit de plagiat, tandis que M. Vergados affirme le contraire. «Le fait que le dirigeant porte le nom de Bobby ne lui permet pas de copier le nom, la marque, la recette et la présentation visuelle du Déjeuner surprise et du Bobby Button», lit-on dans la requête.

Cora signale que ses plats ont une histoire. La recette du Déjeuner surprise a été créée en 1989 par la fondatrice, Cora Tsouflidou, à son premier restaurant, boulevard de la Côte-Vertu. La recette du Bobby Button y avait également été créée deux ans auparavant, à la demande d'un client prénommé Bobby, fabricant de boutons de son état. Le Lucie-la-Framboise a été inventé en 2005 et a été baptisé du nom de Lucie Normandin, une employée de Cora qui adore les framboises, et ainsi de suite.

Cora, qui soutient avoir donné naissance à une nouvelle gastronomie matinale au Québec, craint la confusion et l'atteinte à sa crédibilité. «Cora entend faire respecter ses droits en vertu de la Loi sur les droits d'auteurs, la Loi sur les marques de commerce, la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales et le Code civil du Québec», lit-on dans la requête.

Me Sylvie Boulanger, qui représente Cora dans cette affaire, signale que le respect de la marque est très important pour les franchiseurs et que, dans ce cas précis, la copie est évidente. «On ne parle pas d'omelette aux trois fromages», a-t-elle indiqué à La Presse.

Michel Mailhot, porte-parole des franchises Eggsquis, signale pour part qu'une défense sera présentée si besoin est, et que ce sera à la justice de décider. Les franchisés Eggsquis ont une certaine latitude, en fonction des «capacités», dit-il. M. Mailhot se demande s'il existe vraiment des droits d'auteur pour les plats. «Comme dans La Petite Vie, un pâté chinois, c'est steak, blé d'Inde, patates», dit-il. Il cite aussi l'exemple de la polémique qui entoure la création de la poutine. «Il y en a qui disent que c'est un gars de Warwick qui l'a inventée, d'autres, que c'est un gars de Drummondville.»

Quoi qu'il en soit, s'il n'est pas réglé d'ici là, ce débat culinaire sera au menu de la Cour supérieure le 6 octobre. Après le petit-déjeuner.