La Cour supérieure de l'Ontario a confirmé jeudi le droit de la Société canadienne du sang de refuser des dons sanguins d'hommes ayant eu des relations sexuelles avec des gens du même sexe.

Au pays, un homme ayant eu une relation homosexuelle depuis 1977, ne serait-ce qu'une fois, n'est pas éligible pour donner du sang.

Le tribunal explique que la Société canadienne du sang n'est pas une entité gouvernementale, ce qui l'exclut de l'application des diverses chartes des droits de la personne.

La Société canadienne du sang avait intenté une poursuite judiciaire contre Kyle Freeman, un homosexuel qui, en faisant un don de sang, avait refusé de dire qu'il était gai. Il explique son silence par le fait qu'à son avis, la politique de la Société était injustifiée d'un point de vue scientifique et qu'elle violait ses droits fondamentaux.

Avec de tels arguments, M. Freeman avait intenté à son tour une poursuite contre la Société; le jugement de la Cour supérieure vient le débouter. La Cour le condamne d'autre part à verser 10 000 $ pour déclaration inexacte entachée de négligence.

La Cour supérieure reconnaît que sa décision peut susciter chez les gais et bisexuels un sentiment d'injustice, mais signale que l'impact négatif pour eux est moindre que pour les bénéficiaires de dons sanguins qui, autrement, devraient accepter une détérioration des critères de qualité des produits.

«[Les gens en attente d'un don de sang] doivent avoir confiance en la pureté du sang ou des produits du sang qu'ils vont recevoir», a déclaré la juge de la Cour supérieure Catherine Aitken, qui a rendu la décision.

«Ce n'est pas surprenant que les gens en attente de dons soient sujets à de l'anxiété, et quelques fois de la peur, par rapport aux possibles microbes auxquels ils pourraient être exposés dans le sang qu'ils vont recevoir.»

Il y a une «forte prépondérance» du VIH et d'autres maladies transmises par le sang chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes; ainsi cette politique est basée sur des faits, et non des préjudices ou des stéréotypes, a écrit Mme Aitken.

Donner du sang, a-t-elle découvert, n'est pas un droit garanti par la loi.

Monique Doolittle-Romas, la directrice exécutive de la Canadian AIDS Society, a qualifié le jugement de décevant.

«Il était dérangeant de voir que la cour a vu cela comme un concours entre la sécurité et les droits des homosexuels.»

La juge a cependant trouvé que si la charte des droits s'appliquait, la Société canadienne du sang n'aurait pu justifier la période croissante d'exclusion en place depuis 33 ans et plus.

«Les preuves manquaient pour justifier de véritables inquiétudes qui rendraient une période d'exclusion de 33 ans nécessaire pour maintenir le niveau de sécurité actuel», a-t-elle écrit dans son jugement.

Helen Kennedy, du groupe de défense des droits des gays Egale Canada, a affirmé que le gros des 200 pages du jugement perpétuait la discrimination envers la communauté gaie, mais que ces quelques phrases de la juge étaient «un début d'espoir».

Au Québec, c'est Héma-Québec qui est en charge de la collecte du sang. En vertu de la réglementation fédérale, l'organisme applique les mêmes restrictions envers les hommes qui ont eu des relations sexuelles avec un autre homme.