Dans les prochaines semaines, Marc Parent, nouveau chef du SPVM, devra établir ses priorités pour la période de 2011 à 2013. Le point de départ de sa réflexion sera le rapport intitulé Lecture de l'environnement 2010, une étude qui trace le portrait d'une criminalité de plus en plus complexe à combattre. La Presse a épluché la brique de 230 pages.

Le vol d'identité et les fraudes qui en découlent sont des délits en pleine émergence qui doivent être traités comme des menaces sérieuses et importantes à la société québécoise, selon un document préparé par l'équipe de recherche de la Direction stratégique du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Depuis 2002, les fraudes déclarées aux policiers ont chuté de 28%. Or, cette baisse est artificielle, selon le chercheur Maurizio D'Elia. À partir de 2003, les cas de fraudes reliées aux cartes de débit et aux guichets automatiques, devenus trop nombreux pour les ressources d'enquête dont dispose le SPVM, sont progressivement traités à l'externe et l'information n'est plus relayée au corps policier montréalais, écrit-il dans le document Lecture de l'environnement 2010.

«En plus d'être un crime relativement profitable, les fraudes et les vols d'identité sont également des délits attrayants, vu les risques d'accusation plutôt faibles», peut-on lire. En 2008, à Montréal, seulement 13% des fraudes connues des policiers ont donné lieu à des accusations. La plupart des fraudes liées aux vols d'identité sont filtrées et «travaillées» par les services de sécurité des banques, qui ne détiennent aucun pouvoir d'arrestation.

Cette réalité va changer, nuance toutefois le directeur adjoint, Jean-François Pelletier, en entrevue à La Presse. Le SPVM est déjà en train de travailler à un projet pour traiter à nouveau à l'interne ces cas de fraude, a précisé le policier de haut rang. Un prévenu sur cinq arrêté pour fraude à Montréal en 2008 avait un lien avec des gangs de rue ou d'autres groupes criminels organisés.

Recyclés en trafiquants

Les voleurs se recyclent en trafiquants de drogues parce que cette forme de délinquance est moins risquée, mais potentiellement plus lucrative, révèle un autre chercheur. La population de voleurs suffisamment actifs pour risquer une arrestation a chuté de près de 40% entre 1997 et 2008, alors que le volume de délinquants actifs dans les marchés de la drogue a doublé durant la même période.

À Montréal, la population des délinquants actifs dans le marché de la drogue a augmenté de plus de 12 000 personnes (12 574 à 24 721) en 12 ans, alors que durant la même période, le volume annuel moyen d'infractions de trafic est passé de 1700 à 1000, souligne le chercheur Mathieu Charest.

Contre les gangs de rue

Depuis le milieu des années 2000, la vaste majorité des ressources d'enquête est investie dans la lutte contre les gangs de rue et les projets d'envergure se succèdent à bon rythme.

Les gangs de rue semblent avoir atteint une certaine maturité criminelle et une influence suffisante pour justifier ces investissements, conclut Mathieu Charest, auteur de plusieurs recherches publiées dans le document du SPVM. Le chercheur ne chiffre toutefois pas ces investissements.

Autre avantage des frappes successives: cela provoque un important roulement qui pourrait expliquer pourquoi les conflits entre les gangs de rue et au sein d'un gang sont plutôt rares, indique le chercheur.

À titre d'exemple, le projet Axe s'est attaqué aux Syndicates en février 2009 en démantelant ce groupe notoire d'entrepreneurs criminels actifs dans la distribution de drogue au centre-ville. Le projet Ondée, mené au début de cette année, visait quant à lui la relève des gangs de rue d'allégeance bleue et rouge, deux groupes en conflit à Pierrefonds. Les policiers ont arrêté leurs principaux membres responsables d'une série de tentatives de meurtre.

Le SPVM a réalisé sa première Lecture de l'environnement en 2006. C'est à la suite de cette vaste analyse que le corps policier a mis sur pied l'escouade Éclipse pour combattre les gangs de rue et a assigné 133 policiers supplémentaires à la circulation. Le bilan routier s'est nettement amélioré depuis, souligne avec fierté le directeur adjoint Jean-François Pelletier.