À 17h01, le voisin Walker est assis dans son parterre.

À 13h51, le voisin Walker sort des rebuts de son domicile.

À 14h22, le voisin Walker est dans sa voiture.

À 16h52, la femme du voisin Walker arrive en voiture.

Avec la caméra vidéo fournie par la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, le couple Theo Wouters/Roger Thibault accumule des preuves pour étoffer ses recours judiciaires contre des voisins qu'il qualifie d'homophobes. Si son luxuriant jardin témoigne d'une passion pour le jardinage, le couple semble aussi cultiver la zizanie. Après 10 ans, la croisade judiciaire de Theo Wouters et Roger Thibault n'est pas finie.

Premier couple gai à s'unir civilement au Québec, en 2002, Theo Wouters et Roger Thibault étaient de retour devant le Tribunal des droits de la personne, il y a quelques jours, pour l'audience sur sa plainte contre un quatrième voisin, Gordon Lusk.

Insultes homophobes

Le Tribunal doit décider si M. Lusk, ex-militaire et père de famille qui demeure, comme les plaignants, rue Parkdale, à Pointe-Claire, les a harcelés et insultés au sujet de leur orientation sexuelle. Les incidents se seraient produits à trois reprises en 2003 et 2004. Le couple lui reproche d'avoir dit: «Fuckin faggots, you are fucker into brun» et autres grossièretés du genre. Sans admettre ces propos, M. Lusk reconnaît qu'il y a eu des incidents avec Wouters et Thibault parce que ceux-ci ne supportaient pas de voir les enfants jouer au hockey dans la rue et qu'ils conduisaient leur voiture «en fous», dit-il.

Quand M. Lusk est allé frapper à leur porte, le 24 avril 2004, pour leur faire des remontrances à ce sujet, les deux hommes ne lui ont pas ouvert et ont appelé la police. M. Lusk leur a fait des signes, les invitant à sortir, manifestement pour se battre. Bien sûr, il était filmé.

«On a vu la vidéo. Il n'a pas eu le choix d'admettre l'évidence», a fait valoir Me Maurice Drapeau, qui représentait le couple devant le Tribunal des droits de la personne. Au terme de sa plaidoirie, Me Drapeau a invité le juge Daniel Dortélus à conclure que M. Lusk avait effectivement porté atteinte aux droits des deux hommes et qu'il devrait leur verser 10 000$ chacun.

Roger Thibault, 64 ans, soutient que cette affaire l'a rendu paranoïaque et obsessif compulsif. Theo Wouters, 68 ans, artiste et couturier, affirme avoir sombré dans une dépression qui l'empêche de créer depuis des années.

Abus du système judiciaire

Me Stephen Angers, qui représente M. Lusk, estime que MM. Wouters et Thibault, avec leurs nombreux recours et plaintes, abusent du système judiciaire. Il a tenté sans succès de les faire déclarer plaideurs quérulents. Ils sont les artisans de leur propre malheur et leurs plaintes résultent de fabrications et d'amplifications, a plaidé l'avocat.

Me Angers voulait aussi mettre en preuve une lettre trouvée tardivement dans un dossier civil mais qui jette le juste éclairage sur le fondement de toute l'affaire, a-t-il fait valoir. Le juge a admis la lettre sous réserve et en a interdit la publication. À la fin de l'audience, le Tribunal a mis toute la cause en délibéré.

En 2008, le même tribunal a condamné un garçon d'âge mineur et son père à payer des dommages de 15 000$ au couple. Avant cela, la police avait tenté de régler le problème en demandant des mesures réparatrices au garçon, qui s'était d'ailleurs excusé. Mais le couple n'avait pas jugé cela sincère, et avait porté plainte à la Commission des droits de la personne.