Un document rendu public sur l'internet démontre noir sur blanc que les dirigeants de la congrégation des frères de Sainte-Croix étaient au courant des sévices sexuels commis au collège Notre-Dame et qu'ils ont tenté d'étouffer l'affaire.

Le document est une lettre rédigée par l'avocat Émile Perrin, qui a travaillé pendant 24 ans pour la Province canadienne de la congrégation de Sainte-Croix. Il l'a écrite en juin 2006, alors qu'il n'était plus un employé de la congrégation.

 

La missive est adressée au frère Wilson Kennedy. On ignore dans quelles circonstances elle a été écrite, mais Émile Perrin utilise le ton de la confidence. «J'ai fermé les yeux pendant si longtemps sur tellement de choses, tu me pardonneras si je trouve cela difficile de les ouvrir aussi grand», écrit-il.

Dans sa lettre de neuf pages, Me Perrin nomme une dizaine d'enseignants du collège Notre-Dame soupçonnés d'avoir commis des sévices sexuels sur des élèves. Il nomme également un professeur du collège de Saint-Césaire, en Montérégie, où les frères de Sainte-Croix ont aussi enseigné.

«Pendant des années, j'ai, comme plusieurs autres personnes, averti les supérieurs de sortir le frère François Héroux du collège de Saint-Césaire. Personne n'a écouté et ce qui devait arriver est naturellement arrivé.»

Me Perrin raconte avoir été appelé au milieu de la nuit pour négocier une entente avec le père d'un enfant victime de sévices. «Heureusement, j'ai été capable de raisonner le père de l'enfant, qui a finalement demandé que le frère Héroux quitte simplement Saint-Césaire la nuit même, sans jamais revenir», écrit-il.

Émile Perrin explique comment la congrégation en est venue à verser 250 000$ à un homme qui affirmait avoir été agressé sexuellement par trois frères pendant ses études au collège montréalais, de 1978 à 1981.

Il aborde aussi le cas du frère Claude Hurtubise, ancien professeur de mathématiques qui a fait l'objet d'accusations criminelles en 2006. «Avertissements après avertissements, rien n'a jamais été fait», écrit Me Perrin.

En décembre 2006, Claude Hurtubise a été acquitté en vertu du principe de la présomption d'innocence. «Ce document-là aurait été extrêmement utile pendant le procès», a dit hier Sébastien Richard, l'un des deux hommes qui ont porté plainte contre Hurtubise.

Selon M. Richard, la lettre pourra servir dans le cadre du recours collectif intenté contre la congrégation des frères de Sainte-Croix. Rappelons que la demande de recours collectif vient d'être élargie pour inclure les présumées victimes du collège de Saint-Césaire.

L'équipe de l'émission Enquête, qui a consacré un reportage sur le collège Notre-Dame en septembre, avait obtenu la lettre d'Émile Perrin, mais n'avait pas nommé son auteur. Sue Montgomery, journaliste de The Gazette qui a mis au jour le scandale en 2008, avait également le document en main. La lettre est en ligne sur les sites www.docshare.com et www.scribd.com.