La petite maison d'édition Écosociété et les auteurs du livre Noir Canada contre-attaquent. Poursuivis en diffamation par la multinationale aurifère Barrick Gold, ils ont déposé une requête devant la Cour supérieure, mercredi, afin que le tribunal déclare la poursuite abusive.



Au même moment, environ une trentaine de manifestants, dont les auteurs du livre, ont dénoncé devant le palais de justice de Montréal ce qu'ils considèrent comme une «poursuite-bâillon» (SLAPP en anglais).

L'un des auteurs de Noir Canada, Alain Deneault, y voit une menace à la liberté d'expression. «La démocratie est mise en péril quand on craint de se prononcer publiquement sur des enjeux. On se dit que si on est poursuivi, on devra affronter tellement d'épreuves qu'on préfère l'autocensure», a-t-il indiqué.

Cette requête est déposée en vertu des nouvelles dispositions du Code de procédure civile adoptées l'an dernier pour mettre un frein à ce type de poursuite (loi 9). La loi québécoise permet à un tribunal de déclarer qu'une procédure est abusive si elle a «pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics». Le fardeau de la preuve est alors renversé. Ce serait au demandeur, dans ce cas-ci Barrick Gold, de démontrer que la poursuite n'est pas exercée de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.

L'éditeur fait face non pas à une, mais bien deux poursuites. La multinationale Barrick Gold et l'entreprise ontarienne Banro n'ont pas apprécié l'essai Noir Canada: Pillage, corruption et criminalité en Afrique.

Barrick Gold réclame 5 millions à titre de dommages moraux et compensatoires et 1 million à titre de dommages punitifs. Le procès débutera en septembre 2011. Banro poursuit quant à elle la maison d'édition devant un tribunal ontarien. Écosociété a tenté de faire rapatrier ce procès au Québec, mais en vain.

Aucune date n'est encore fixée pour l'audition de la requête devant la Cour supérieure. Si la Cour supérieure décidait de la rejeter, la petite maison d'édition lui demanderait tout de même d'ordonner à la multinationale de verser une provision pour couvrir les frais de l'instance, comme le prévoit la loi 9.

La petite maison d'édition, qui compte quatre employés, devra consacrer une grande partie de ses ressources, voire leur entièreté, à sa défense au cours de la prochaine année, a déploré Anne-Marie Voisard, d'Écosociété.