Le dossier criminel de Chénier Dupuy n'est qu'une série de «gestes isolés». Même s'il est fiché à la police comme le chef des Bo-Gars, le principal intéressé nie être un gangster.

C'est ce qu'a fait valoir l'avocat de l'homme de 34 ans, Me Serge Lamontagne, hier, au moment des plaidoiries sur la peine.

Trois semaines après sa sortie de prison, en septembre 2008, où il purgeait une peine pour possession d'arme à feu, Dupuy a récidivé. Il a été arrêté à bord d'une Lexus dont le coffre contenait 2,3 kg de marijuana. Une perquisition menée à Laval dans l'appartement qu'il partageait avec sa copine du moment, Stéphanie Castrilli, a permis de saisir une importante quantité de marijuana, de cocaïne et de crack.

Les policiers ont également saisi une liste de «dix règle de survi (sic)», qui en contenait... onze. Aux yeux de la police, il s'agit des règles de survie du parfait gangster. Pour survivre, donc, il faut connaître ses ennemis, payer ses impôts, ses contraventions ainsi que les redevances aux propriétaires des bars où l'on écoule sa drogue et où l'on fait travailler ses danseuses. Sans oublier de prendre des vacances avec sa «pitoune» et de «régler l'ordre dans le désordre».

Au terme d'un procès, le 16 avril dernier, Dupuy a été reconnu coupable sous quatre chefs de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic. Plus tôt ce mois-ci, le procureur de la Couronne, Me David Simon, a recommandé une peine exemplaire de huit ans d'emprisonnement. Hier, Me Lamontagne a plutôt suggéré une peine d'une journée de prison pour son client, détenu depuis 27 mois. Cette suggestion prend en considération la détention préventive, qui compte en double (54 mois).

«Mon client n'a pas été condamné pour gangstérisme, mais on veut lui imposer une peine comme s'il l'avait été», a plaidé Me Lamontagne. Il a insisté sur le fait que les antécédents violents de son client constituent des «gestes isolés». Son client nie être l'auteur des règles du parfait gangster. «On dirait une écriture de femme», a dit le criminaliste, ce qui a fait sursauter le juge Boyer: «Comment pouvez-vous dire que c'est une écriture de femme?» L'avocat n'a pas poussé l'argument plus loin.

Un expert du Service de police de la Ville de Montréal, Jean-Claude Gauthier, a déjà décrit Dupuy comme le chef des Bo-Gars, un gang qui sévit depuis près de 20 ans à Montréal-Nord. Dupuy, alias Big, aurait d'ailleurs échappé à une tentative de meurtre au bar de danseuses Solid Gold. Il s'était récemment associé à quatre autres criminels d'origine haïtienne pour contrôler le trafic de stupéfiants à Montréal-Nord et à Rivière-des-Prairies, toujours selon la police.

«C'est un peu la mode de dire que des gars qui, comme mon client, ont grandi dans le même quartier difficile, ont étudié à la même école, ont fumé un joint ensemble et ont parfois commis des petits crimes sont dans les gangs de rue», a dit Me Lamontagne. Chénier Dupuy connaîtra sa peine le 18 février prochain.