L'intervention policière qui a coïncidé avec la mort de Michel Berniquez en 2003 n'aura duré qu'une dizaine de minutes. La controverse qui l'a suivie, elle, dure depuis des années.

Elle a connu un nouveau rebondissement la semaine dernière quand la Cour du Québec a rejeté un recours de la mère de M. Berniquez. Laurie Thomas réclamait 70 000$ en dommages à la Ville de Montréal «pour les douleurs et souffrances causées par la perte de son fils».

Dans un jugement rendu le 6 janvier, la juge Suzanne Vadboncoeur a conclu que l'intervention policière n'a pas causé la mort de M. Berniquez. Elle estime par ailleurs que les dommages réclamés par la mère sont «à peu près inexistants compte tenu de l'inexistence des contacts entre la demanderesse et son fils depuis au-delà de dix ans» avant sa mort.

Les faits au coeur de cette affaire remontent au 28 juin 2003. Le SPVM reçoit d'abord l'appel d'un commis de dépanneur de Montréal-Nord irrité par le fait qu'un homme refuse de payer une bouteille d'eau. L'homme en question est Michel Berniquez, un individu au lourd casier judiciaire et aux prises avec des troubles mentaux graves. Il paiera finalement avant de reprendre sa route.

Un peu plus tard, un autre appel est logé au 911 quand une bagarre éclate entre M. Berniquez et un autre individu dans un stationnement. Deux policiers arrivent finalement à rattraper l'homme de 45 ans, qui est agité et résiste à son arrestation. Ils sortent les bâtons télescopiques et appellent du renfort. Les policiers s'y prendront à six pour maîtriser M. Berniquez.

Des ambulanciers arrivent une dizaine de minutes après le début de l'intervention et constatent que le suspect est en arrêt cardio-respiratoire. Un médecin va confirmer sa mort vers 18h, à l'Institut de cardiologie de Montréal.

Les événements du 28 juin 2003 prendront vite le nom «d'affaire Berniquez». Un témoin va même dire aux médias avoir vu une policière cogner à plusieurs reprises la tête de l'homme sur le trottoir. Dès lors, des voix s'élèvent pour réclamer une enquête.

Une autopsie menée deux jours après les faits révèle que Michel Berniquez avait consommé de la cocaïne et de la métamphétamine (speed) peu de temps avant son arrestation. L'enquête du coroner va quant à elle conclure en 2004 à une mort accidentelle. La consommation de drogue, mélangée à l'effort physique qu'il va déployer au moment de son arrestation, aurait causé une arythmie cardiaque chez M. Berniquez.

«Michel Berniquez a été l'artisan de son propre malheur», résume la juge.

Un expert indépendant entendu par la Cour va corroborer cette hypothèse. « Le corps de Berniquez ne montrait aucune fracture, ni lésion au cou, ni trace de lésion traumatique mais l'une de ses artères coronariennes était bloquée à 90% », a indiqué le pathologiste judiciaire André Lauzon.

C'est en se basant sur ces avis que la juge a décidé de trancher en faveur de la Ville de Montréal, poursuivie en tant qu'employeur des six policiers.

«Je suis très déçue de la décision, a expliqué lundi Laurie Thomas. On avait démontré au juge que mon garçon avait été gardé en position ventrale, que ça, c'était pas correct. C'est très difficile de se battre en Cour contre la police...»

Mme Thomas n'entend pas porter le jugement en appel. Il ne s'agit toutefois pas de la fin de «l'affaire Berniquez»: une enquête publique doit avoir lieu d'ici peu. Le bureau du coroner avait ordonné sa tenue peu après les faits, même si la mort de M. Berniquez avait été jugée accidentelle. La Fraternité des policiers de Montréal s'y était opposé devant les tribunaux.

Après une longue bataille juridique, la Cour suprême a finalement tranché en octobre dernier en faveur de la tenue d'une enquête. Les audiences pourraient commencer au cours du mois de janvier.