Le 24 décembre dernier, vers 13h30, Marc Lavigne, résidant d'Ahuntsic de 47 ans qui n'avait plus un sou pour passer les Fêtes, s'est affublé d'une fausse moustache, d'une tuque et de lunettes fumées pour aller voler une banque de son quartier. Il a réussi son forfait, mais a raté sa fuite.

Un malheur n'arrive jamais seul: en plus d'être arrêté à quelques centaines de mètres de l'établissement par le directeur de la banque et un employé de la STM, M.Lavigne a vu son waterloo immortalisé sur photo par l'auteure de ces lignes, qui passait par là.

Le voleur malchanceux a passé le temps des Fêtes en prison. Il est retourné devant le tribunal cette semaine et a plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de déguisement. M. Lavigne, qui demeurait non loin de la succursale de la Banque Nationale qu'il a gratifiée de sa visite, a tenu à s'expliquer devant la juge Suzanne Coupal. Il a volé parce qu'il était sans le sou pour les Fêtes, en raison de problèmes de jeu dont il a du mal à se défaire, et du fait qu'il a perdu son emploi. Il espérait une certaine clémence. «Je suis conscient que vous ne donnerez pas un bouquet de fleurs ce matin, a-t-il dit à la juge. Mais ça faisait sept ans et demi que je n'avais rien fait.» M. Lavigne, condamné en 2004 à six ans de prison pour quatre vols qualifiés, était en liberté conditionnelle. Il avait aussi d'autres antécédents.

Dans le cas présent, selon le résumé qui a été fait devant le tribunal, M. Lavigne a attendu son tour dans la file avant de s'avancer vers une caissière, à qui il a remis une note. «Ceci est un hold-up. Veuillez rester calme...» La caissière lui a remis 1330$.

Fuite à pied

Alerté par la caissière, Christian Bassong, le directeur de la banque située au 263, boulevard Henri-Bourassa Est, est sorti de l'établissement dans l'espoir de noter le numéro de plaque si le voleur fuyait en voiture. Mais le suspect se dirigeait à pied vers l'est. M. Bassong s'est mis à le suivre en lui criant d'arrêter, que la police s'en venait. Le voleur a poursuivi sa course vers le métro Henri-Bourassa. Des gens se sont mis à crier «au voleur, au voleur». L'homme s'est engouffré dans une ruelle, où il a été rattrapé et maîtrisé par un employé de la Société de transport de Montréal et M. Bassong. Des passants ont commencé à s'attrouper et ont appelé le 911.

Puis, l'incident a pris un tour singulier. Il faisait froid, le temps s'écoulait, la police, qui peinait à trouver l'endroit, n'arrivait pas. Un des hommes qui tenait le suspect (on a appris cette semaine qu'il s'agissait de M. Bassong) était en souliers et vêtu d'un simple complet. Le suspect, lui, était plaqué au sol sur le dos, mains nues dans la neige, et ne se débattait pas du tout. Connaissant le secteur, la journaliste de La Presse appelé le 911 à son tour pour donner des précisions sur le lieu, au besoin.

«Est-il armé? a demandé la préposée du 911.

- Êtes-vous armé? a demandé la journaliste au suspect.

- Non», a répondu ce dernier.

Quand tout le monde pousse à la roue, il y a moyen de former une belle équipe.

Devant la juge Coupal, M. Lavigne a énuméré les points qui militaient en sa faveur: «Je n'ai jamais eu d'arme, je n'ai pas parlé, j'ai essayé de commettre le vol avec le minimum (de désagréments), je n'ai pas résisté à mon arrestation.» Il a aussi fait état du diplôme en informatique qu'il a acquis en prison ainsi que d'un certificat universitaire, qui l'aideraient à se trouver un emploi si on ne le laissait pas moisir en prison trop longtemps. Après 50 ans, c'est plus difficile de trouver du travail, a-t-il fait remarquer en suggérant une «thérapie».

Mais un vol qualifié, ce n'est pas rien, et M. Lavigne n'en était pas à ses premiers pas dans le domaine. Il a écopé de trois ans.